L’illettrisme a été déclaré grande cause nationale pour 2013 par Jean-Marc Ayrault. Un collectif, Agir ensemble contre l’illettrisme, va mettre en œuvre toute une série d’actions pour lutter contre ce fléau qui touche 7% des français, soit deux millions et demi de personnes.
Si l’on s’en réfère à la définition de l’illettrisme, celui-ci suppose que l’on ait su à un moment lire ou écrire, ou tout au moins que l’on ait été en contact avec un apprentissage mais que par la suite on ait tout oublié.
Dans ce cas, il est évident que l’illettrisme touche assez fortement les politiques. Prenons par exemple le candidat UMP aux municipales de Gamaches, en Picardie. Cette ville de 3000 habitants est dirigée depuis trente ans par un maire communiste. Arnaud Cléré, le candidat UMP en question, qui déclare se sentir gaulliste mais proche des valeurs de Philippe de Villiers, a constitué sa liste en fusionnant avec six membres du Front National.
C’est un bel exemple d’illettrisme.
Il a pourtant sans doute appris, ce monsieur, que la ligne de l’UMP était le refus de toute alliance avec le FN. Il a aussitôt été exclu par les instances régionales de son parti, et cette exclusion a été confirmée par Jean-François Copé lui-même : « Aucun accord d’aucune sorte ne sera accepté avec le Front national. Tout élu UMP qui viendrait à passer un accord avec le FN se placerait immédiatement en situation d’être exclu de l’UMP. Il n’y a pas d’exception à Gamaches sous prétexte qu’il y a un maire communiste à éliminer. » Nous sommes ainsi heureux de constater que le colocataire de la présidence de l’UMP n’est pas un illettré politique et qu’il se souvient qu’un parti héritier du gaullisme, même de manière de plus en plus lointaine, ne peut pas se laisser aller à certaines alliances.
Mais l’illettrisme politique, soyons honnête, sévit aussi très fortement à gauche et l’on comprend que Jean-Marc Ayrault ait trouvé là matière à une grande cause nationale. Lui-même doit d’ailleurs se sentir atteint par cette plaie des temps modernes. L’illettré, on le sait, essaie de nombreuses stratégies pour dissimuler qu’il a oublié ce qu’il a appris. Il a énormément de mal à déchiffrer et à comprendre des mots ou des expressions simples comme « augmentation du smic », « nationalisation », « politique fiscale réellement redistributive », « relance par la consommation ».
Notre amie Fleur Pellerin, ministre de l’économie numérique, a voulu en rajouter une couche sur cette grande cause et a indiqué qu’il fallait aussi s’intéresser à l’« illectronisme », entendez les gens qui ne savent pas se servir des technologies de l’information ou d’un smartphone. Ils seraient 15%, avec beaucoup de personnes âgées pour qui il faudra bon gré mal gré réduire la « fracture numérique ».
On fera remarquer à Fleur Pellerin deux choses : la fracture numérique n’est qu’une conséquence de la fracture sociale et avant d’apprendre à un vieux à se servir d’un smartphone, alors qu’il préférerait peut-être qu’on lui foute la paix et qu’on le laisse relire Alexandre Dumas plutôt que de jouer avec des « applis », il serait peut-être plus urgent d’augmenter le minimum vieillesse, de s’intéresser aux petites retraites et de se demander pourquoi ces même retraités travaillent de plus en plus souvent au noir pour survivre.
Mais pour ça, il faudrait être de gauche. Or en matière de socialisme, Fleur Pellerin n’est pas illettrée, elle est analphabète. La différence entre les deux étant, comme chacun sait, que l’analphabète, contrairement à l’illettré, lui, n’a jamais appris.
*Photo: World Economic Forum
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