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Il n’y a pas que le grand remplacement dans la vie

Les jeunes d'aujourd'hui grandissent dans un pays neuf, né de la dernière pluie. Ils sont privés des nourritures spirituelles de leurs ancêtres…


Il n’y a pas que le grand remplacement dans la vie
Jeunes supporters d'Eric Zemmour, Paris, 7 avril 2022 © Alfonso Jimenez/Shutterstock/SIPA

La droite nationale ou patriote, obnubilée par la question migratoire, doit rapidement se pencher sur les autres problèmes de la jeunesse française, paupérisée et en proie à des injonctions contradictoires dingues et vertigineuses.


La droite patriote, toutes étiquettes confondues, a fait le plein sur l’immigration. Le message est passé : les Français qui devaient comprendre ont compris, les autres ne sont pas encore prêts ou ne le seront jamais. 

Le grand déclassement

Il est temps de rajouter une autre corde à son arc et de parler à d’autres Français, ceux qui sont touchés de plein fouet par le déclassement social et par le mal-être émotionnel.  Personne ne leur parle vraiment à ces Français, jeunes souvent, qui voient le monde se retourner contre eux pour les broyer. Petits-fils de boomers, ils sont nés vingt ans trop tard. Ils ont beau avoir des diplômes, ils n’ont décidément pas le même pouvoir d’achat que leurs parents. Ils ont le plus grand mal à se loger, certains ont même du mal à se nourrir correctement : ils gagnent leur vie certes mais pas assez pour manger une nourriture saine, s’acheter des fruits et des légumes. Certains sont BAC+4 ou BAC+5, mais ils occupent des emplois inutiles où ils n’ont aucune marge de manœuvre. Ils ont beau être cadres intermédiaires ou cadres supérieurs, ils sont pieds et poings liés par le CRM et la « compliance » qui en font de simples exécutants. On leur a dit qu’ils seraient une élite s’ils travaillaient beaucoup et bien, et ils se retrouvent, la trentaine passée, en train de remplir des questionnaires d’évaluation 360°.

Ils participent d’un moment incroyable de notre civilisation : ces hommes et ces femmes peuvent changer de sexe, ils peuvent échanger des nudes avec des inconnus, mais ils n’auront probablement pas de quoi s’acheter un appartement. Ils ont beau étudier, ils n’auront pas accès à la classe moyenne. Classe moyenne qui disparaît au passage, ouvrant la voie devant une France où ne subsisteront plus que les gagnants et les perdants. Autre définition du tiers-monde. Sauf que notre tiers-monde à nous n’a que le mot jouissance à la bouche, une jouissance impossible sans argent et sans carrière véritable.

Génération Prozac

De quoi devenir dingue. Et ils sont en train de le devenir. L’épidémie de la dépression est là mais personne ne veut la voir en face, car elle inflige un terrible camouflet à notre époque qui rend les gens malheureux. Les dépressions commencent de plus en plus tôt, même des enfants en souffrent maintenant. Même des enfants se suicident. Notre société va mal. Elle souffre d’un problème mental inédit : l’effondrement des défenses mentales qui rendaient la vie acceptable, voire désirable, à nos parents et grands-parents. 

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Nous vivons un grand massacre. Les femmes sont laminées par les injonctions contradictoires. Elles doivent s’amuser à fond et réussir professionnellement. Elles doivent être « faciles » et dominer les hommes. Elles doivent multiplier les partenaires et vivre intensément le grand amour. Elles doivent être « bonnes » et cesser de s’épiler. Elles doivent être « girly » et agressives. Leurs ancêtres ne devaient pas résoudre une équation aussi compliquée. Elles vivaient leur féminité tout simplement, elles pouvaient compter sur les hommes pour cela.

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Or, les hommes aujourd’hui tombent comme les poilus dans la Somme, sous le coup d’un gaz moutarde d’un genre nouveau. Le venin est hormonal désormais : ils doivent être des hommes déconstruits, fragiles et niais, mais on attend d’eux qu’ils aient le charisme du mâle alpha. Ils doivent réussir dans la vie mais on leur interdit les vertus viriles comme l’ambition et l’honneur. Ils apprennent à faire l’amour en regardant des viols nommés films pornos, mais le spectre d’un #metoo les poursuivra tant qu’ils auront une vie sexuelle actuelle. On leur parle d’égalité homme-femme mais ils voient bien que leur parole ne vaut rien face à une femme qui les accuse sauf s’ils sont ministres ou trafiquants de drogue. Dans les deux cas, les femmes supposément battues ou molestées se rétractent et les magistrats s’abstiennent. Enfin, ils sont inutiles à leurs femmes qu’ils sont incapables de défendre contre les agressions, par manque de vigueur physique mais aussi parce que les magistrats ne supportent pas la légitime défense : aux yeux d’un juge, il vaut mieux être mort que traduit en justice pour avoir tué son assaillant.

La crise culturelle

Les deux, hommes et femmes, sont privés de culture. Hanouna a remplacé Pivot. Il n’y a plus de transmission. Les jeunes d’aujourd’hui grandissent dans un pays neuf, né de la dernière pluie. Ils sont privés des nourritures spirituelles de leurs ancêtres, ils ne trouvent plus la sérénité en regardant les paysages de leur beau pays, ils ne ressentent plus l’impression douce et consolante d’être chez-soi quand ils marchent à l’ombre des monuments. Ils sont largués dans le monde comme des enfants abandonnés dans un orphelinat soviétique. Comment peuvent-ils être heureux ?

Tout, absolument tout, peut les terrasser car ils sont creux et secs. Ils sont à jeun de tout ce qui importe, de tout ce qui rend fort.

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Il n’y a pas que le grand remplacement dans la vie. Il y a aussi le grand désenchantement, mélange du grand déclassement et du grand effondrement mental. En ressort une tristesse immense qui peut être un ingrédient politique de premier plan pour la conquête du pouvoir.

Ces jeunes qui souffrent ne connaissent des idées patriotes que la lutte identitaire et la souveraineté. Or, leur identité est la souffrance elle-même. Et la souveraineté est une notion exotique à leurs yeux, sachant qu’ils ne sont même pas souverains d’eux-mêmes.

La plupart ne vote probablement pas. Certains font n’importe quoi comme voter LFI ou écologistes : ils donnent des coups de poing dans le vide. Inutiles de leur en tenir rigueur, ils ont besoin d’empathie et de douceur.

Il n’y a aucune fatalité. Ils rejoindront le camp patriote le jour où il les convaincra que leur cause est entendue. Leur cause personnelle, égoïste et intime, pas la cause française.

Un bon point de départ pour se rapprocher de cet univers souterrain qui forme la musique de fond de notre société est de lire Marion Messina. Son roman Faux Départ rend compte avec brio de la détresse d’une jeune Grenobloise anéantie, en quelques mois, par une université en faillite et un marché du travail inhumain.

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Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier "De la diversité au séparatisme", un ebook consacré à la société française et disponible sur son site web: www.drissghali.com/ebook. Ses titres précédents sont: "Mon père, le Maroc et moi" et "David Galula et la théorie de la contre-insurrection".

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