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Il faut savoir terminer une trêve

"La propagande olympique qui ne désarme pas, bien au contraire, commence à me courir sur le haricot..."


Il faut savoir terminer une trêve
Anne Hidalgo saisit le drapeau olympique, pendant la cérémonie de clôture des JO de Paris 2024 le 11 août 2024 au Stade de France © USA TODAY Network/Sipa USA/SIPA

L’éditorial de septembre d’Elisabeth Lévy


Je me suis trompée et j’en suis ravie. Les JO n’ont pas été la catastrophe que je craignais. En termes d’organisation et de sécurité, ils ont même été une réussite remarquable. On croyait notre État impuissant, juste bon à persécuter les honnêtes citoyens : non seulement, il a permis au comité d’organisation et aux entreprises impliquées d’exécuter un projet aussi pharaonique qu’éphémère – la parade d’ouverture sur la Seine –, mais pendant quinze jours, il a assuré aux Parisiens les services que des contribuables dociles sont en droit d’attendre – propreté, sécurité, transports. À vrai dire, une ville quadrillée par la police, aussi sympathique soit celle-ci, ce n’est pas vraiment mon idéal d’urbanité. N’empêche, pour nombre de citadins, qui ont redécouvert le plaisir de flâner sans être emmerdés par des vendeurs de rue, des mendiants, des consommateurs de crack ou de vrais voyous, cela signifie que quand on veut on peut. Sauf qu’on ne peut pas affecter indéfiniment à Paris un tiers de nos forces de l’ordre, ni refiler de façon permanente à nos belles provinces les multiples patates chaudes générées par nos politiques suicidaires.

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J’ai aussi eu grand tort de penser que, sur le plan sportif, les Jeux ressembleraient au cirque habituel du sport-business, quand, entre deux scandales financiers ou sexuels, on est priés de s’extasier sur les valeurs du sport et sur nos footballeurs, jamais à court d’un tweet idiot (songeons au petit ange parti trop tôt de MBappé). Pour le coup, on les a vues à l’œuvre, ces valeurs, et comme l’observe Zemmour dans l’entretien qu’il nous accorde, ce sont celles que la société et les médias s’emploient généralement à combattre, en particulier à l’école – effort, surpassement, singularité, hiérarchie, compétition, méritocratie. Les athlètes et leurs exploits insensés nous ont en prime offert les seules émotions esthétiques de la quinzaine – et les paralympiques qui commencent au moment où j’écris devraient en offrir d’autres. À ce niveau, le sport s’apparente parfois à l’art. En revanche, au-delà du prêchi-prêcha woke pour les nuls et des provocations à deux balles, la cérémonie d’ouverture a surtout consacré le triomphe planétaire du kitsch. Il était difficile d’enlaidir les monuments de Paris. Pour le reste, ce show à ciel ouvert prouve qu’on appelle aujourd’hui beauté la conjugaison d’une musique de sourds, de costumes acidulés et de beaucoup d’agitation. Donnez-nous du bruit et de la couleur, on criera au miracle.

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Certes, la « marque France » cote à la hausse. Tant mieux, même si on peut se demander si ce monde où la puissance se mesure au nombre de téléspectateurs ou de touristes est sérieux. En attendant, la propagande olympique qui ne désarme pas, bien au contraire, commence à me courir sur le haricot. Quand j’entends les mots « parenthèse enchantée », j’ai furieusement envie de sortir mon revolver. Pour les commentateurs de tout poil et de tout bord, rien ne sera plus comme avant. Paris 2024 marquera la déconfiture des grincheux, des réacs et de tous ceux qui ne s’enthousiasment pas pour le monde tel qu’il va. Après une « séquence politique dominée par les passions tristes du déclin et de la xénophobie, nous apprend Le Monde, les Jeux de Paris ont offert à la capitale et à la France entière plus de deux semaines de ferveur et de bonheur ». Toute la France aurait, paraît-il, « communié » dans la joie olympique. En réalité, l’écrasante majorité des Parisiens avait fui. Et en dehors des sites olympiques, où régnait véritablement une belle ambiance, la plupart des Français ont suivi l’événement de loin, heureux de voir des athlètes tricolores triompher et de chanter La Marseillaise. Du reste, les ravis de la crèche olympique, ceux qui hier s’émerveillaient de l’ambiance tricolore lors des compétitions, se pincent généralement le nez devant toute manifestation de patriotisme. Demain, ils brailleront que La Marseillaise est un chant guerrier et « Vive la France ! » un slogan raciste. À en croire Le Monde, « l’héritage » des Jeux « devrait être d’affaiblir les discours exploitant les colères et les peurs, les stratégies misant sur la haine des autres ». Dommage que la niaiserie médiatique ne soit pas une discipline olympique, on aurait raflé toutes les médailles.

Septembre 2024 - Causeur #126

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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