Notre chroniqueur n’a rien trouvé de mieux, pour combattre la canicule, que de passer ses vacances dans les Hautes-Pyrénées. Lundi et mardi dernier, à Argelès-Gazost, il faisait 11° — à 500 m d’altitude. Et sur les pentes des montagnes, à 2000m, de larges plaques de neige subsistent, tandis que des torrents tumultueux courent de lac en lac. Encore heureux que ça se réchauffe !
Sommes-nous devenus soudain plus sensibles qu’autrefois aux grandes chaleurs ? Rappelez-vous la canicule de 2003, qui fit bien plus de morts chez les personnes âgées que le récent virus, très surestimé. Ou l’impôt-sécheresse de 1976. Les climatologues ne parlaient pas encore de la responsabilité de l’homme dans ces hausses brutales, qui surviennent de temps à autre. Les ayatollahs verts ne tenaient pas encore le haut du pavé.
Oui mais, m’objecte-t-on, la hausse est continue, les pics de températures de plus en plus rapprochés. La faute à l’activité des hommes, et globalement à l’anthropocène, cette ère d’expansion de l’espèce humaine qui depuis quelques millénaires a vu l’exploitation de plus en plus intense des carburants fossiles, l’augmentation du gaz carbonique, l’effet de serre, etc.
La Terre passe depuis toujours par des phases de réchauffement et de refroidissement. Entre la fin du XIIIe siècle et celle du XIXe siècle, l’Europe vécut ainsi dans le « petit âge glaciaire », où les moissons gelaient sur pied à la fin mai. Les écolos de l’époque — c’est-à-dire les diverses églises — en imputèrent la faute aux débordements sexuels des unes et des autres, et brûlèrent vives un nombre conséquent de sorcières présumées — ce qui ne réchauffa guère que les malheureuses. Si les médias modernes avaient existé, que n’aurait-on pas dit et prédit ?
À noter qu’au XIIIe, juste avant cet épisode polaire, le climat s’était adouci singulièrement — c’est l’une des raisons de la « renaissance gothique » de cette époque. Et à la fin du XIXe, le climat s’est amélioré à nouveau, juste au moment où l’Occident entrait dans la phase décisive de la révolution industrielle. Un bonheur n’arrive jamais seul.
Imaginez que l’on ait alors seriné aux Européens qui sortaient de six siècles de semi-congélation qu’il fallait se restreindre sur l’utilisation du charbon — et bientôt du pétrole… C’est pourtant le discours qui est tenu rétrospectivement par les prophètes d’aujourd’hui, qui prêchent, comme Philippulus dans Tintin, la fin du monde prochaine. Repentez-vous, flagellez-vous, vous qui n’avez pas encore acheté de véhicule électrique !
Dans cette culpabilisation générale, remarquez que ce sont les Occidentaux (la Chine, qui s’en tape magistralement et n’est pas portée sur l’auto-flagellation, est hors-jeu) qui sont priés de se mettre la ceinture énergétique. Les nations développées. Parce que le réchauffement frappera d’abord les non-privilégiés — l’Afrique, par exemple, ou le sous-continent indien. Le privilège blanc de polluer doit s’éteindre. Sinon, calamités, coups de soleil, et désastres dans les vignes.
(Peut-être les viticulteurs du Midi seraient-ils avisés d’arracher leurs vignes — on les subventionne pour cela — et de planter des agaves. Tequila made in Provence, quel label ! Ne sommes-nous pas par excellence la bête qui s’adapte ?)
En tout cas, les écolos cherchent à culpabiliser les pays du Nord, sans rien demander aux pays du sud. C’est comme au théâtre, à Avignon. Des acteurs noirs peuvent empaler des bébés blancs, sous les applaudissements des bobos. Imaginez le contraire — quels cris d’orfraie pousseraient ces mêmes bobos… Du coup, les acteurs de cette « pièce » s’étonnent d’être l’objet d’agressions racistes. Mais qui est raciste, dans cette déplorable histoire ?
À noter que l’un des effets du réchauffement les plus prévisibles sera le retournement de l’AMOC, la circulation méridienne de retournement atlantique. La vérité, c’est qu’il va faire froid, et que la Bretagne connaîtra des températures égales à celles du Labrador aujourd’hui. On pêchera la morue dans le golfe de Gascogne, alors qu’aujourd’hui elle bronze en mini- bikini sur les plages des Landes. Et je n’évoquerai que pour mémoire les fantaisies d’El Niño, qui cette année est en phase d’expansion, ce qui va donner chaud à tous les pays de la ceinture Pacifique — et aux autres par contrecoup. Fatalitas !
L’une des raisons qui expliquent notre sensibilité soudaine au flirt du thermomètre avec les 40° est notre habitude récente à la climatisation. Voitures climatisées, grands magasins climatisés, cinémas climatisés, maisons climatisées. Il fut un temps où dans le Midi on édifiait des maisons aux murs épais et aux fenêtres de petite taille, protégées par des volets de bois agrémentés de jalousies — et on n’ouvrait les fenêtres que la nuit. Il y faisait naturellement frais, comme dans les églises. Mais les apprentis-sorciers actuels sont plus savants. Les architectes optent pour de grandes baies vitrées orientées plein sud, sachant qu’un appareil magique combattra les effets du rayonnement solaire. Alors quand on sort de nos abris frigorifiés artificiels, le contraste est terrible. C’est cela aussi, la sensation du réchauffement climatique.
Résignez-vous. Il fait chaud (enfin, c’est très relatif, l’été 2023 ne sera pas à verser dans les annales des suées maximales), il fera plus chaud demain peut-être, peut-être grillerons-nous sur place… Pensiez-vous vraiment que l’humanité serait, parmi toutes les espèces, celle qui serait immortelle ? En attendant, mettons un chapeau de paille, observons en amateurs éclairés les jupes qui raccourcissent, et buvons frais en attendant de fondre.