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Pourquoi il faut défendre l’identité (2/2)


Pourquoi il faut défendre l’identité (2/2)
Renaud LaVillenie aux Jeux Olympiques de Rio, août 2016. Numéro de reportage : AP21938470_000007.
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Renaud LaVillenie aux Jeux Olympiques de Rio, août 2016. Numéro de reportage : AP21938470_000007.

Retrouvez ici la première partie de cet article.

Il ne s’agit pas de diviniser le passé, de cultiver la nostalgie de façon monomaniaque. Simplement, si notre citoyen postmoderne désire s’ouvrir aux autres, il serait bien inspiré de  commencer par réfléchir sur l’héritage que lui ont légué ses ancêtres. Car les « autres », de leur côté, ne tarderont pas à s’interroger sur sa provenance. S’ils subodorent en lui un individu « liquide », un avatar indéterminé qui cherche compulsivement à se bâtir un personnage avec une foultitude de « pseudos » sur les réseaux sociaux, ces « autres » ne tarderont à se détourner de cet ectoplasme qui n’aura rien à leur apprendre, rien à leur apporter. L’ « échange », c’est bien beau : encore faut-il posséder quelque chose à échanger.

L’homme dénué de toute identité n’a pas de consistance  propre. Simple buvard des poncifs et des mots d’ordre qu’il entend dans les médias, son destin est de devenir un perroquet. Quelle richesse pourra-t-il dès lors apporter à ses interlocuteurs ? Il restera une simple caisse de résonance de l’idéologie dominante, ou bien de sa secte, qui lui aura fourni une identité de rechange et la rhétorique qui va avec. Mais à quel prix ! Au prix d’un lavage de cerveau, dont l’opération aura été d’autant plus facile que notre individu liquide ne possédait aucune ressource symbolique greffée sur une tradition pour lui venir en aide à cet instant précis. Une tradition qui lui aurait souffler les objections nécessaires afin de  contrecarrer la manipulation mentale de ses nouveaux gourous. L’absence d’identité peut se payer très cher.

Autre illustration du retournement paradoxal de l’ « ouverture » faisant fi de toute identité, en dogmatisme : la morale. L’hypermodernité a envoyé balader la morale traditionnelle.  Mais cela ne signifie pas qu’elle soit devenue moins moralisatrice pour autant. Ne sachant plus qui elle est, notre époque est obsédée par ce qu’elle doit faire. Le devoir-être a supplanté l’être, c’est-à-dire l’identité. Celle-ci a été parée de tous les défauts par cette haine de soi que l’Europe occidentale a consciencieusement cultivée, afin d’ « expier » à sa façon ses crimes (c’est-à-dire par procuration, en en chargeant les ancêtres).

Les jeunes élèves n’apprennent plus qu’en passant qu’ils font partie d’un pays aux racines chrétiennes, un pays qui a été fait par des rois, des grands hommes, des génies, des héros et des saints. Que leur inculque-t-on à la place ? A ne pas être raciste, l’égalité homme-femme, la citoyenneté « participative », la « lutte contre toutes les discriminations ». Mais ce kit de moraline leur permettra-t-il de répondre à la question : « Qui êtes-vous ? » ?

Identités de substitution

Où trouveront-ils alors une identité dont ils n’aient pas honte ? Dans une madrasa d’Extrême Orient ?  Dans une ferme aux mains d’ extrémistes écologistes ? Dans une secte qui les persuadera que la rédemption de la société consiste dans le geste simple de « casser du flic » ?

La nature ayant horreur du vide, il est probable que le discrédit dans lequel l’hypermodernité a tenu les revendications d’appartenance, ne débouche sur la constitution d’identités de substitution plus redoutables les unes que les autres. Avec elles, le citoyen postmoderne n’aura en effet aucune possibilité de prise de recul que lui aurait conférée la maîtrise des codes et du langage propres à cette nouvelle identité. En embrassant une nouvelle vie, liée à une communauté d’appartenance de rechange, l’individu sera livré pieds et poings  liés à ses nouveaux maîtres qui, eux, possèderont les codes de navigation au sein de la nouvelle collectivité de l’impétrant.

Il y a infiniment plus d’inconvénients que d’avantages à ne pas savoir qui on est, ou pire encore, à ne pas être content de son identité dans le cas où on serait conscient d’ en posséder une. Ce qui ne signifie pas qu’il faille fermer les yeux sur les insuffisances de sa collectivité native, qu’il soit malséant de l’interroger avec un esprit critique. Mais les désillusions qui peuvent résulter de cet examen ne sont rien en comparaison des inconvénients occasionnés par une rupture brutale de filiation.

Perdre son identité, c’est se retrouver sans nom propre au milieu d’un vaste monde qui ne vous fera pas de cadeau, un monde « mondialisé » (excusez la redondance) qui n’hésitera pas, sous les dehors permissifs et « transgressifs » les plus chatoyants, à attirer les proies à « identité faible » dans les rets de ses convoitises. Ce monde globalisé, du moins la partie de celui-ci qui a signifié son congé au Dieu judéo-chrétien afin de Le remplacer par les divinités de l’argent, de la puissance, du sexe et du confort à tout prix, n’a pas de mal à flairer à cent lieux à la ronde les monades esseulées, dépourvues d’identité et de colonne vertébrale, afin de les transformer en client-consommateurs interchangeables entre eux, simples pions manipulables à loisir entre ses mains expertes.

Une alliance surprenante

Ainsi assistons-nous à l’alliance incongrue du progressisme le plus liquide et le plus « déconstructeur », avec le Moloch de l’économie financiarisée la plus débridée. Comment s’en étonner ? La mondialisation « heureuse » n’a que faire de soutiers revendiquant une quelconque identité pour eux-mêmes, et qui sont susceptibles, forts de leur tradition, de la remettre en question d’un moment à l’autre. En revanche, elle ne voit pas d’un mauvais oeil les déconstructeurs en tous genres s’égayer dans ses réseaux, et cela dans le but de traquer présomptueusement les « systèmes de pouvoir ». Sûre d’elle-même, elle peut même se payer le luxe de laisser ceux qui s’autoproclamant « progressistes » à leurs lubies d’abattre toutes les « forteresses identitaires » qu’ils veulent. Ces très immodestes soutiers, en sapant les édifices les plus vénérables, croient « faire l’histoire ». Mais ce n’est pas celle qu’ils pensent. Quel nouveau Marx leur apprendra qu’ils ne sont que les idiots utiles des forces qu’ils dénoncent ?

Si les peuples désirent garder leur identité, ce n’est pas afin de transformer leur histoire en musée, encore moins par réflexe xénophobe. Simplement, ils subodorent que cette identité constituera leur meilleur passeport pour le futur, comme  la meilleure garantie qu’ils ne seront pas broyés par le rouleau compresseur de l’indifférenciation, que cette dernière soit culturelle ou économique.



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est l'auteur de « 48 objections à la foi chrétienne et 48 réponses qui les réfutent » aux Editions Salvator.

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