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Les dangers de l’identité


Les dangers de l’identité

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À Causeur, nous n’avons pas peur de nos nombreux contradicteurs.
Au contraire, nous devons entendre leurs arguments. Chaque mois, nous demanderons donc à l’un d’eux d’expliciter ses divergences. Que Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, soit remercié pour avoir accepté d’inaugurer cet espace dédié à la dispute civilisée.

Ce qui nous sépare ? La question de l’identité, bien sûr. Vous lui donnez une importance démesurée, ce qui vous amène aux confins de la pensée républicaine. Je ne dirai pas comme Blum entendant Déat : « je suis épouvanté ». Mais je suis inquiet. Inquiet pour vous, qui dérivez vers un étrange horizon, alors que ce journal est courageux et utilement dérangeant.

Point de « politiquement correct » dans cette interpellation. Ce que vous appelez le politiquement correct, ce sont les idées de la gauche, que vous cherchez à disqualifier sans les discuter, en les taxant de conformisme ou de « bien-pensance », de manière à vous arroger le rôle de l’esprit fort qui pense à contre-courant. Si l’on sort de cette rhétorique, un peu usée désormais, on doit discuter d’une idée simple : l’identité ne produit pas de valeurs. Tout est là.[access capability= »lire_inedits »]
L’identité est une réalité dont il faut tenir compte, non une source de principes. Les principes, en République, sont déduits de deux valeurs fondatrices, la liberté et l’égalité, qui fondent les règles de vie en commun. Ce sont les nationalistes – ou, plus grave, les sectateurs de l’ethnie ou de la race – qui voient dans l’identité la valeur centrale dont ils déduisent les règles de vie en commun. Une identité culturelle ou nationale, pour moi, ne vaut pas plus qu’une autre. Sauf à démontrer qu’elle est contraire aux droits de l’Homme, chacune vaut sa voisine, de même que les hommes sont égaux en droit. Toutes les identités ont droit à perdurer, à se mélanger ou à cohabiter. Il est légitime, élémentaire, d’aimer sa patrie, sa région, ses racines. Mais la protection de cet élément de la vie – quand il est menacé – est un attribut de la liberté individuelle ou politique. C’est un droit parmi d’autres, déduit des principes premiers, non le fondement de la collectivité.
Les nationalistes, les identitaires, avec lesquels vous flirtez, récusent ce raisonnement. Pour eux, l’identité est à la base des communautés humaines ; l’Etat doit avant tout la défendre ou la promouvoir, il doit en faire la priorité de sa politique. S’il s’agit d’un nationalisme républicain (doctrine pleine de contradictions), le gaullisme par exemple, nous restons dans l’espace démocratique. Mais le nationalisme est une force dangereuse, qui s’appuie sur l’émotion, l’irrationnel, sur la volonté de puissance autant que sur les souvenirs de l’enfance. Il tourne vite à l’intolérance et se trouve aussitôt des ennemis, l’étranger en général, le musulman en particulier dans la France d’aujourd’hui. Il a tôt fait de considérer que les libertés publiques sont des obstacles. Il éprouve spontanément des penchants autoritaires. Aussi, quand vous cherchez à abaisser les barrières qui nous en séparent, vous rendez un mauvais service à la République.[/access]

*Photo : FredArt.

Avril 2013 #1

Article extrait du Magazine Causeur



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est directeur de la rédaction du Nouvel Observateur.

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