« Je pense que Zhang Zhang oublie un peu trop vite d’où elle vient », a bassement asséné le trompettiste Ibrahim Maalouf à la violoniste Zhang Zhang, qui lui reprochait ses propos racialistes. Cette dernière n’apprécie pas les vues du Franco-libanais sur la composition ethnique des orchestres. Nous non plus. Analyse
Le trompettiste Ibrahim Maalouf n’a rien trouvé de mieux à faire que de reprocher à l’orchestre philharmonique de Vienne son « manque de diversité ethnique » tout en soulignant, délicieuse ironie, l’excellence de sa musique. On en conclut, bien sûr, que les Blancs n’ont pas besoin de la « diversité » pour atteindre l’excellence !
Et je ne le dis pas simplement pour tourner en dérision les propos d’Ibrahim Maalouf et les retourner contre lui. C’est probablement vraiment le cœur du problème à ses yeux, cet impensable qu’il ne supporte pas et que la réalité l’oblige à penser.
J’en conclus que le « manque de diversité » n’est pas un obstacle à l’excellence…. https://t.co/kg5OzaQNBx
— Aurélien Marq (@AurelienMarq) January 2, 2021
Je ne reviendrai pas sur le passé d’Ibrahim Maalouf, notamment judiciaire : ce n’est pas le sujet ici. Je veux rappeler, en revanche, ses propos odieux au sujet de Mila, lorsqu’il s’était permis de mettre un coup de gueule légitime contre l’homophobie d’une religion sur le même plan « immoral mais légal » (sic) que les pratiques sexuelles de Gabriel Matzneff ou l’exil fiscal. Relativisme sans vergogne et réécriture militante du réel (voir notre capture ci-dessous).
L’idéologie diversitaire ne s’en prend qu’aux pays occidentaux
Voici donc Ibrahim Maalouf qui sur le réseau social Twitter réclame plus de « diversité » dans les orchestres classiques, à Vienne et en France bien sûr. N’espérez pas qu’il déplore le manque de Blancs ou d’Asiatiques dans les orchestres d’Afrique sub-saharienne ! Ceux qui célèbrent à longueur de temps la « diversité » ont beau dire qu’elle est une chance, on attend toujours qu’ils œuvrent aussi à faire bénéficier de cette chance les pays des peuples « racisés ».
Répondant aux critiques ayant suivi ce tweet, notre trompettiste pro-diversité mais anti-blasphème prétend simplement rêver « d’un orchestre classique avec des Français issus de toutes les origines » (sic). Mensonge, et mensonge révélateur !
Le message initial d’Ibrahim Maalouf n’était pas de souhaiter qu’il y ait un orchestre classique rassemblant des Français de toutes origines, mais de reprocher à un orchestre en particulier et aux orchestres classiques en général de ne pas tous se conformer à ce modèle de la « diversité ». Comme si ce modèle était obligatoire, ou devait le devenir.
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Et on le verra, il ne s’agit pas d’intégrer dans l’orchestre des musiciens quelles que soient leurs origines, pour ne pas se priver de leurs talents.
La violoniste Zhang Zhang ne joue pas la même partition
Ibrahim Maalouf veut la « diversité » comme une fin en soi. Pourquoi ?
C’est ma foi fort simple. De même que le « progressisme » woke ne supporte pas le génie d’Homère parce qu’il lui renvoie en miroir sa propre médiocrité, il ne supporte pas de devoir constater que les Blancs n’ont pas besoin de la « diversité » pour exceller.
Contrairement à ce qu’affirme à longueur de temps l’idéologie décoloniale, les peuples occidentaux ne sont pas des êtres ontologiquement inférieurs qui ne pourraient trouver leur salut que dans l’Autre ou le Racisé. À ces militants qui font de leur couleur de peau l’alpha et l’oméga de leur être, le philharmonique de Vienne, tout comme Homère, tout comme les cathédrales gothiques, rappelle que ce à quoi ils s’identifient n’est nullement indispensable à la grandeur, et qu’il existe dans le monde bien des choses belles et bonnes qui se sont faites sans eux.
Alors Ibrahim Maalouf se plaint d’être attaqué par la « fachosphère ». Mais voilà un grain de sable dans son scénario. Sublime grain de sable : Zhang Zhang, premier violon à l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo, très engagée dans des actions humanitaires à travers le monde, de l’Afghanistan aux Philippines en passant par le Congo et… Nice ! D’origine chinoise, comme son nom le laisse deviner, mais ce serait ne rien comprendre à ce qu’elle crée, à ce qu’elle défend ni à ce qu’elle est que de vouloir faire de ses origines une case qui l’enfermerait. Elle est intervenue dans le débat avec tact, expliquant simplement que le recrutement dans les orchestres symphoniques se fait par concours, et qu’un paravent sépare les candidats du jury, qui ne les voit donc pas et se contente de les écouter : seule la qualité de la musique détermine le choix des artistes, pas leur couleur de peau, leur sexe/genre, ni leurs origines ethniques. Magnifique exemple balayant toutes les discriminations !
Et Zhang Zhang poursuit en faisant l’éloge de ce langage d’harmonies capable de toucher et de rassembler les humains quelles que soient leurs origines. « Laissez l’art en dehors de vos manœuvres politiques sordides ! » s’exclame-t-elle. Elle dont la famille a souffert de la dictature communiste sait bien, hélas, la réalité des « révolutions culturelles » : « cancel culture » qui appauvrit l’écriture des idéogrammes pour rendre un peuple entier incapable de comprendre la magnificence de son passé, et on repense à cette école du Massachusetts qui censure Homère, ou aux gardes rouges voulant abattre la tombe de Confucius comme d’autres détruisent les statues de Colbert ou les vestiges de Palmyre…
L’Occident n’a pas à s’excuser des merveilles qu’il a offertes au monde
À court d’arguments, Ibrahim Maalouf s’en est finalement pris à Zhang Zhang de la même manière qu’il s’en était pris à Mila : bassement. Illustration parfaite, encore, du fait que les adeptes de la tyrannie des minorités ne supportent pas ce qui dépasse les étroites limites des groupes dans lesquelles ils se reconnaissent : l’universelle dignité humaine et l’élan vers la grandeur. Tout être humain les porte en lui, en deçà et au-delà de ses appartenances propres, dans ce qui lui est le plus intimement personnel, et qui simultanément le relie à tous ses semblables.
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En affirmant que les Blancs seraient ontologiquement inférieurs, les militants « woke » font ce qu’ont toujours fait les racistes, sexistes et autres abrutis du même ordre : ils rejettent ce qui fait l’universelle potentialité de splendeur et d’humanité de l’Homme, et se vautrent dans la fange.
N’en déplaise à ces fanatiques, une violoniste de talent qui a la sagesse d’affirmer que « les musiciens devraient servir la musique, tout en ne devenant jamais plus importants que la musique » n’a pas à s’excuser d’avoir eu le courage de faire de son expérience du déracinement une porte sur l’universel plutôt qu’un prétexte à l’égoïsme tribal. Et l’Occident n’a pas à s’excuser des beautés auxquelles il a donné et continue à donner naissance. Ses peuples n’ont pas à s’excuser des merveilles qu’ils ont offertes au monde, ils n’ont pas à feindre d’être devenus incapables d’exceller par eux-mêmes, ils n’ont pas à renoncer à leur pleine appartenance à l’humanité.
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