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IA: la protection des droits d’auteurs est une priorité culturelle

Une tribune libre de Sophie Blanc, députée RN des Pyrénées-Orientales et membre de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation


IA: la protection des droits d’auteurs est une priorité culturelle
Image d'illustration. Unsplash.

L’intelligence artificielle (IA) se déploie à un rythme accéléré, transformant nos sociétés, nos économies et notre quotidien. En France, cette technologie suscite des débats intenses, révélant des tensions entre différentes visions de son intégration.


Il règne une certaine schizophrénie au sein du gouvernement au sujet de l’avenir de l’IA en France. En effet, si Mme Rachida Dati, ministre de la Culture, préfère défendre les droits d’auteur, le ministre de l’Économie, M. Bruno Le Maire, préfère privilégier les opportunités économiques de l’IA. Cette dichotomie illustre les défis et les choix cruciaux que notre pays doit affronter pour naviguer dans cette nouvelle ère technologique.

L’IA peut créer, apprendre et évoluer en utilisant de vastes quantités de données, souvent protégées par des droits d’auteur. La ministre de la Culture insiste sur la nécessité de garantir que les œuvres des créateurs ne soient pas exploitées sans une rémunération appropriée. Cette préoccupation est partagée par de nombreux auteurs et traducteurs, qui craignent l’exploitation non compensée de leurs œuvres. Ils insistent sur la transparence dans l’utilisation des données pour entraîner ces IA, afin de protéger leurs droits et leur travail.

Doublés par l’IA, les doubleurs se révoltent et organisent une grande pétition.

Pour aborder ces enjeux, le ministère de la Culture a saisi le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), lui confiant deux missions : déterminer les informations que les fournisseurs d’IA doivent rendre publiques et garantir que les ayants droit puissent faire valoir leurs droits et recevoir une juste rémunération. Cette démarche vise à instaurer un cadre clair et équitable pour l’utilisation des œuvres protégées.

Sans droits d’auteurs, il n’y a plus de créateurs ; sans créateurs, il n’y a plus de création

Les auteurs et traducteurs ne sont pas les seuls à exprimer leurs préoccupations. Les éditeurs et ayants droit sont également réticents face à la situation actuelle. La commission de l’IA a noté les défis posés par leur refus de partager leurs contenus, ce qui pourrait affaiblir la qualité des résultats produits par les IA et limiter la présence de contenus français. L’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) voit dans l’IA une menace sérieuse pour leurs droits, soulignant le risque d’une exploitation injuste de leurs œuvres. En décembre 2023, le New York Times a poursuivi OpenAI pour avoir utilisé illégalement des millions d’articles du journal pour entraîner des systèmes d’IA. Plus tôt dans l’année, des artistes avaient poursuivi Midjourney, Stability AI et DeviantArt pour des motifs similaires. Aux États-Unis toujours, l’Authors Guild, un collectif d’auteurs, a signalé qu’OpenAI a carrément utilisé des bases de données illégales pour entraîner ses modèles d’IA, soulevant des questions cruciales sur la transparence et l’éthique dans l’utilisation des contenus protégés.

L’I.A : un levier pour l’innovation et la compétitivité ?

Bruno Le Maire privilégie les opportunités économiques que représente l’IA. Il considère cette technologie comme un levier puissant pour l’innovation et la compétitivité de la France. Cependant, cette focalisation sur les bénéfices économiques se fait souvent au détriment de la protection des droits d’auteur. Le ministre de l’Economie et des Finances insiste sur la nécessité de ne pas freiner le développement de l’IA, mais sa vision néglige les préoccupations légitimes des créateurs. En minimisant l’importance du respect des droits d’auteur, il met en péril les bases mêmes de la créativité et de la culture. Pour un amoureux de Marcel Proust cette approche purement comptable est d’autant plus étonnante.

L’Europe à la rescousse de la culture ?

L’Union Européenne a mis en place dès 2021 l’IA Act (ou Artificial Intelligence Act). Le 11 décembre 2023, l’UE a adopté une législation historique pour réguler cette technologie. Ce règlement vise à garantir que les droits fondamentaux, la démocratie, l’État de droit et la durabilité environnementale sont protégés contre les risques liés à l’IA, tout en encourageant l’innovation. La législation impose des obligations strictes aux entreprises d’IA, garantissant que la technologie respecte les droits existants et crée un cadre légal pour son développement.

La Fédération des Éditeurs Européens (FEP) a salué ce vote et les principes posés par le texte, en particulier les obligations de transparence quant aux données utilisées pour entraîner les IA. L’Union européenne promet ainsi que les œuvres protégées par le droit d’auteur ne seront pas utilisées illégalement et ouvre ainsi un marché de licences pour les éditeurs, ce qui devrait à terme permettre une rémunération des titulaires de droits.

L’IA : un choix de société

Le débat sur l’intégration de l’IA en France n’est pas seulement technique ou économique, il est fondamentalement sociétal. Nous devons décider quelle société nous voulons pour demain. Une société qui protège ses créateurs tout en exploitant les opportunités offertes par les nouvelles technologies. Cela nécessite un dialogue ouvert entre tous les acteurs concernés : créateurs, entreprises, régulateurs et public. Cela implique également une transparence totale de la part des entreprises d’IA sur les données qu’elles utilisent. L’IA offre des opportunités économiques considérables, pouvant renforcer la compétitivité de la France. Les régulations européennes montrent qu’il est possible de créer un cadre légal qui protège les droits tout en encourageant l’innovation.

La France peut montrer la voie en protégeant les droits d’auteur tout en soutenant l’innovation. C’est un choix de société crucial pour notre avenir culturel et économique.

Hélas, les querelles gouvernementales et l’incapacité d’Emmanuel Macron à trancher risquent de mettre en péril le droit d’auteur et de freiner l’innovation technologique et l’économie. Il est impératif de protéger nos créateurs tout en embrassant les possibilités offertes par l’IA. L’Union européenne a fait un premier pas vers la protection des droits d’auteur, mais c’est à la France de créer un pont entre la créativité, la défense des arts et le développement économique.

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Députée RN des Pyrénées-Orientales

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