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Humza Yousaf: un mandat pour rien, ou presque

Les Verts, présents dans sa coalition, étaient furieux de l’abandon d’un engagement clé pour le climat


Humza Yousaf: un mandat pour rien, ou presque
Edinburgh, octobre 2023 © Jane Barlow/AP/SIPA

Le Premier ministre indépendantiste d’Écosse, Humza Yousaf, a démissionné ce lundi, après avoir perdu sa majorité au parlement écossais, suite au départ des Verts (Scottish Greens) de sa coalition. Retour sur un mandat décevant, surtout marqué par… un wokisme effréné.


Dans un discours aux accents émouvants, le Premier ministre écossais, Humza Yousaf, a annoncé sa démission lundi en début d’après-midi, mettant fin à une semaine de tumulte au sein de sa coalition entre le Scottish National Party (SNP) et les Scottish Greens, qui a mené à son éclatement.

L’écologie : la mère de tous ses maux

Lors de son accession au pouvoir en mars 2023, le Premier ministre démissionnaire semblait pourtant être l’homme idéal pour concilier indépendantistes et écologistes.

Fidèle de Nicola Sturgeon, son prédécesseur, il avait poursuivi l’application de l’accord de Chatham House, signé en 2021, par le Scottish National Party et les Scottish Greens. Ce texte prévoyait l’application d’un programme environnemental rigoureux, coûteux et contraignant, y compris pour le forage de pétrole en mer du Nord, une protection accentuée de la vie marine, de nouvelles protections pour les minorités sexuelles et le vote d’une loi sur la protection trans. Le problème est que le gouvernement écossais n’est pas souverain et Humza Yousaf a échoué ces derniers mois à tenir les engagements du Bute House Agreement sur l’exploitation de gaz en mer du Nord. En septembre 2023, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a annoncé le lancement de l’exploitation du gisement gazier de Rosebank, au large des îles Shetland, sans que Yousaf ne puisse s’y opposer, si ce n’est par les mots.

Ne parlons pas de son bilan sur les transgenres, qui est tout aussi décevant pour les progressistes de son parti.

Un bilan “multiculturel” et woke

Dans son discours de départ, Humza Yousaf s’est inscrit sans complexe dans le multiculturalisme, dont il est l’un des plus fervents promoteurs au sein du SNP. « Nous vivons aujourd’hui dans un Royaume-Uni avec un Premier ministre indien et britannique, un maire de Londres musulman, un Premier ministre gallois noir et pour un petit moment encore, un Premier ministre écossais et asiatique pour ce pays (l’Écosse) » a fièrement déclaré le Premier ministre. Et à tous ceux qui prétendent « que le multiculturalisme a échoué au Royaume-Uni, poursuit-il, je suggérerai que l’inverse s’est révélé être vrai et c’est quelque chose que nous devrions tous célébrer. » Voilà donc la seule satisfaction – ou presque – de M. Yousaf : avoir montré à l’Écosse qu’un homme d’origine pakistanaise pouvait accéder au pouvoir.

Mais de quel multiculturalisme parle Humza Yousaf ? Eh bien, hormis le fait qu’il soit d’origine pakistanaise et musulman et qu’il ait annoncé vivre le Ramadan, pas grand-chose. Il portait le kilt pour les grandes cérémonies, comme lors des obsèques d’Elisabeth II en octobre 2022, et le reste du temps, des costumes en tartan et en tweed : rien de très pakistanais, autrement dit. En fait, ce qu’a surtout soutenu le Premier ministre est le programme woke et LGBTQI+ pour se distinguer de ses opposantes en mars 2023. Il a relancé la guerre culturelle sur les transgenres et accentué les divisions déjà profondes au sein de son parti. Rappelons que c’est la même controverse sur la légalisation de la transition de genre à partir de 16 ans qui avait entrainé la démission de Nicola Sturgeon en février 2023.

Pour montrer son engagement en faveur de cette cause, M. Yousaf a fait voter une loi sur le discours haineux (hate crime law), début avril, qui s’avère, pour l’heure, impossible à faire appliquer.

L’échec du combat pour l’indépendance

Les indépendantistes purs et durs sont eux-aussi bien déçus du bilan de M. Yousaf, qui a concédé son échec sur l’imposition d’un nouveau référendum sur l’indépendance. « L’indépendance semble terriblement proche – et croyez-moi, personne ne ressent davantage de frustration qu’un président du SNP – mais les derniers miles du marathon sont toujours les plus difficiles » a déclaré le Premier ministre. Mais il ne s’agit pas du tout des derniers miles avant l’indépendance !

La loi britannique dispose qu’un référendum de cette nature ne peut être organisé qu’une fois par génération, c’est-à-dire, tous les vingt-cinq ans et le dernier référendum a eu lieu en 2014, il y a à peine dix ans…

Une succession incertaine et risquée

Deux candidates pourraient se déclarer officiellement dans les prochains jours pour les élections internes au SNP qui éliront le nouveau Premier ministre : Kate Forbes, une évangélique fervente et conservatrice, battue de peu par Humza Yousaf en 2023, et Ash Regan, une féministe, peu intéressée par une alliance avec les Scottish Greens et surtout très hostile à la cause trans. Mais un autre favori, John Swinney, qui a mené le parti aux élections en 2003, a aussi annoncé vouloir se présenter. Ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Education, il a soutenu avec ferveur le texte sur la transition de genre à 16 ans, ainsi que l’enseignement LGBTQI+ dans le curriculum scolaire et défend aussi l’indépendance écossaise.

La bataille pour le poste de Premier ministre s’annonce rude au sein du SNP, surtout à l’approche des élections législatives nationales (General elections), qui pourraient se tenir d’ici le mois d’octobre. Le Labour est pour l’instant donné gagnant en Ecosse, avec 36% des voix, pour la première fois depuis 2003. En cas de victoire des travaillistes, la question indépendantiste pourrait bien être mise de côté pendant quelques années.




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Journaliste franco-britannique

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