Dans Vie de Gérard Fulmard d’Echenoz et Phallus de Limon, la littérature retrouve des couleurs grâce à l’humour, une denrée devenue rare à l’époque du rire obligatoire.
Il existe, aujourd’hui, une littérature du rire préenregistré. Cette littérature, on la trouve du côté de ce que le marketing éditorial appelle les feel-good books qui trustent les listes des meilleures ventes. Que l’on songe aux romans d’Aurélie Valognes, par exemple, cinquième plus grosse vendeuse de romans en France, dont les titres à eux seuls sont tout un programme : Mémé dans les orties, En voiture Simone, ou Minute, papillon. On peut facilement expliquer le succès des feel-good books : ces romans font rire, il arrive qu’ils soient lisibles, ils divertissent et, après tout, ils ne sont pas si mal fabriqués. Le problème, précisément, est qu’ils sont fabriqués et que la littérature, c’est le contraire de la fabrication. À vrai dire, ils sont de la mécanique plaquée sur du vivant, pour paraphraser Bergson.
Il ne s’agit pas ici de condamner l’humour en littérature. D’ailleurs, les feel-good books en sont radicalement dépourvus. L’humour est une science difficile, un équilibre toujours instable entre la gaudriole grotesque et la dérision aigre. C’est sans doute pour cela que l’humour est une constante chez les grands écrivains : il y a un humour de Rabelais, assez évident, mais il y a aussi un humour de Joyce, de Proust, de Céline ou de Nabokov.
