Quand Yann Barthès et ses sbires ne comprennent pas une blague de Jean-Marie Le Pen…
Son Altesse Sérénissime Yann Barthes, avec l’élégance et la finesse qui le caractérisent, a tenu son public et ses chroniqueurs en haleine – enfin, il ne faut rien exagérer – les 4, 5 et 6 décembre derniers. Ses monteurs, dont il faut reconnaître qu’ils sont assez doués quoique très prévisibles et un brin lassants, se sont emparés, fort virilement, d’une blague de Noël piratée sur le site de Jean-Marie Le Pen et racontée par lui.
Et, comme d’habitude, ils en ont fait des caisses:
Tout d’abord, pour bien nous mettre dans l’ambiance et nous préparer à l’horreur qui nous attendait, il nous a été signifié que celui qui allait sobrement être désigné par le délicieux sobriquet de Papi Facho durant toute la séquence, séjournait dans un EPHAD où « raconter une blague peut être l’activité d’une semaine entière ». Les pensionnaires, leur famille et le personnel de ces établissements apprécieront. La mise en train s’est poursuivie grâce à un montage bien pourri, bien orienté, avec en boucle et en écho du « musulman », du « noir », de « l’arabe », de « la mosquée », de « l’envahissement », de la « burka ».
La blague de « Papi facho »
Le patron de Valeurs Actuelles a ensuite été largement moqué. Cette fois, il s’agissait de sa chevelure qui « interroge un rouquin, homosexuel, noir, musulman » (sic). Cheveux longs donc dans la soupe quotidienne. Et puis, pour conclure cette entrée en matière, un rien taquine, un bon gros rot sonore d’un raffinement à l’avenant.
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Papi Facho a (enfin) pu raconter sa blague : « Un jésuite interpelle un curé et lui demande si, à Bethléem, Jésus était gai ou triste. Le curé, lui répond qu’en ouvrant les yeux et en voyant l’âne et le bœuf, Jésus se serait écrié : « Mon Dieu, est-ce donc là toute la compagnie de Jésus ! »
Il n’en faut pas plus pour que notre arbitre des élégances, docteur es blagues, se déchaîne. Mais, ce n’est pas une blague. C’est juste du n’importe quoi. Papi Facho est nul, archi nul, complètement sénile. Sa (fausse) blague n’a pas de chute. Il est gâteux, le vieux.
Et que j’interroge les sbires: « vous l’avez ? », « vous l’avez ? ». « Personne ne l’a ! ». Et que j’insiste et que je harangue la foule : « vous l’avez ? », « vous l’avez ? ».
Bonjour le niveau du patron
De toute façon, si quelqu’un l’avait, on sent bien, que ce n’est pas le moment de faire le malin, ni la maligne. On voit bien qui est le patron. Tous ces galopin-e-s se calent donc sur le grand manitou. Et, il fait « pas facile » le mec. On sentirait même poindre une petite tendance à la Papi. Donc, sur commande, tout ce petit monde pouffe, s’étrangle, s’esclaffe, se gondole. Ouaf ! ouaf ouaf ! Ce qu’ils sont beaux et intelligents, ces débusqueurs de bêtise. Comme on les envie.
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Mais, Monsieur Barthes, puisqu’il faut tout vous expliquer, c’est une vraie blague, qu’a racontée monsieur Le Pen. Avec une vraie chute. Un brin désuète, certes, mais rigolote quand même. Et, quelle que soit leur opinion sur la personne qui la narrait, tous ceux à qui je l’ai racontée (histoire de vérifier que je n’étais pas à côté de la plaque) « l’avaient ». Parce qu’il y a un jeu de mots dans cette blague et un jeu de mots qui demande un tout petit peu de culture. La Compagnie de Jésus est en effet une congrégation catholique masculine dont les membres sont des clercs réguliers appelés jésuites. Les curés, clercs séculiers, et les jésuites n’ont pas la réputation de faire bon ménage. Donc, le curé se moque du jésuite. Les jésuites de la Compagnie de Jésus sont comparés à un âne et à un bœuf. Ce qui n’est pas flatteur.
Quand il faut expliquer la blague, forcément c’est moins drôle…
C’est du deuxième degré. Vous l’avez là, où il faut que je réexplique. Vous avez compris ? Vous pensez que vous allez pouvoir l’expliquer à votre smala ou je recommence ? Pour votre édification personnelle, tout comme il y a des blagues de Toto, des blagues belges, des blagues juives, il y a des blagues sur les jésuites et celle qu’a racontée monsieur Le Pen est la plus connue d’entre elles. Une sorte de mètre étalon de la blague sur les jésuites. Il y en a beaucoup. Il y a même des sites de blagues sur les jésuites comme Aleteia par exemple. Preuve, si cela était nécessaire, qu’il y a des gens intéressés par ce type de blagues et qui en rient. Ce n’est visiblement pas votre monde, ni celui de vos chroniqueurs (quoique !). Mais, ce n’est pas pour autant qu’il n’existe pas, ni qu’il mérite d’être ridiculisé.
Dans cette histoire, il y a un truc ou plutôt deux qui m’échappent.
Premièrement, comment se fait-il que fin lettré comme vous êtes, vous ne sachiez pas ce qu’est un jésuite, et n’ayez jamais entendu parler de la Compagnie de Jésus ? Je tombe de haut. Deuxièmement vous avez eu la semaine pour essayer de la comprendre, la blague. Cela ne vous est pas venu à l’idée de taper (ou de faire taper par un de vos thuriféraires) « Compagnie de Jésus » ? En un clic, vous auriez eu la réponse et « vous l’aviez » !
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