Homophobie, racisme, misogynie: les chefs d’accusation pleuvent sur les professionnels du rire pris en flagrant délit de mauvais esprit. Encouragée par les réseaux sociaux, la fragmentation du corps social en une multitude de minorités opprimées a fait une victime: l’humour.
Il y a cent ans on lisait La Case de l’oncle Tom, un peu plus tard Tom bon nègre, dans les sixties il y avait un Noir à chéchia rouge sur les boîtes de Banania et on achetait des nègres en chemise à la pâtisserie. C’était le temps où il était naturel d’être au pire raciste et au mieux condescendant.
Malheureusement, si l’époque où tout était permis est heureusement révolue, celle où rien n’est autorisé pointe le bout de son nez. Chaque idéal a désormais ses bigots rigidement drapés dans leur inattaquable humanisme, censés protéger « leur » faible, dont la caractéristique principale est d’être tellement bête qu’il ne sait jamais ce qui est bon pour lui.
Les humoristes refusent de parler
Dans ce climat que l’on peut qualifier de néopuritain, les humoristes ont longtemps bénéficié d’une sorte d’immunité – qu’ils refusaient à leurs victimes. Ainsi pouvaient-ils se déchaîner contre un malheureux coupable d’un mot de travers tout en déconnant sur à peu près tout. Peu à peu, ce droit de rire de tout a été grignoté par les protestations de communautés offensées, en particulier de l’une d’elles, puis par les assassins, également très offusqués, de Charlie Hebdo. Aujourd’hui, c’est le « féminisme policier », pour reprendre l’expression de Peggy Sastre, qui réclame que l’on soit pendu pour une blague, même bonne.
Face à cette coalition disparate de censeurs, les humoristes sont en première ligne. Aussi avons-nous voulu savoir s’ils pouvaient encore
