Notre chroniqueur, qui dès le 6 septembre pronostiquait Kamel Daoud comme futur Prix Goncourt exulte : les jurés du plus beau Prix français, malgré les menaces du gouvernement algérien, ont couronné le très beau roman de l’écrivain français né dans la wilaya de Mostaganem, qui raconte les années de fer et de sang de la « décennie noire » (1990-2000), une évocation interdite au pays des militaires et des imams.
« Les jurés du Goncourt, qui ont sélectionné Houris dans leur première sélection, seraient bien avisés de donner à Kamel Daoud, couronné jadis pour le Goncourt du meilleur premier roman, un prix qui mettra en lumière ce que l’histoire officielle — celle qu’enseignent les manuels scolaires et, chez nous, les pédagogues qui refusent de parler de la traite saharienne ou des razzias opérées sur les côtes européennes — tente en vain de glisser sous le tapis de prière. »
Monsieur Brighelli ou Madame Irma ?
Ainsi concluais-je, début septembre, mon article sur le roman de Kamel Daoud, Houris. Je ne me donne pas une importance que je n’ai pas. Mais l’année dernière, j’avais contribué, autant que possible, à écarter cette buse d’Eric Reinhardt, auquel on promettait le Prix et qui est reparti avec son livre entre les jambes. Et cette année, j’ai pronostiqué la victoire de Kamel Daoud, qui est l’heureux élu. Gloire à lui !
Daoud avait eu, fin 2014, la consécration plus douteuse d’une fatwa émise par un imam salafiste : « Nous appelons le régime algérien à le condamner à mort publiquement, à cause de sa guerre contre Dieu, son Prophète, son livre, les musulmans et leurs pays. » À la suite de quoi, après que l’écrivain eut déposé plainte, ledit imam fut condamné à trois mois de prison et l’équivalent de 450€ d’amende — condamnation annulée en appel sous prétexte d’incompétence territoriale du tribunal. L’Algérie a avec la justice des relations difficiles.
Il est plus que temps que la France, au lieu de reconnaître les horreurs du colonialisme (pensez, nous avons inventé un pays qui n’existait pas, mis fin aux affrontements entre tribus, assaini un territoire dévoré de fièvres, définitivement renvoyé chez eux les Ottomans qui s’y étaient installé quelques siècles auparavant, construit des routes, des chemins de fer, des entreprises, labouré la terre, planté des vignes et des arbres fruitiers — que de crimes impardonnables…) mette fin à l’assistanat d’un pays qui nous coûte cher et qui nous abreuve d’injures. Qu’ils aillent se faire voir — et offrons-leur Benjamin Stora pour écrire leur guerre à leur manière, ils ne sont plus à quelques mensonges près.
Une belle leçon d’écriture
Pourtant, la France continue à s’humilier devant quelques poignées d’imams et de généraux nonagénaires et chamarrés comme des arbres de Noël. Elle s’excuse pour ceci, s’agenouille pour cela, promet de rendre les artefacts des uns, et de rembourser les autres pour les crimes commis contre les harkis. Le président de la République se rapproche du Maroc, c’est une bonne idée ; il aurait dû en profiter pour tirer un trait sur l’Algérie, et cesser de payer les retraites de gens morts depuis des lustres.
Lisez le roman de Kamel Daoud, il vous permettra de comprendre — je m’adresse ici à ceux qui n’étaient pas nés pendant la guerre dite d’indépendance — comment fonctionnent des islamistes dès qu’on leur tend les clefs du pouvoir. Et il vous donnera une très belle leçon d’écriture.
Le gouvernement algérien avait menacé par avance. Comme dit un journaliste bien informé : « À la veille de cette annonce, nos sources nous ont informé que les services d’Alger s’activent dans l’ombre en exerçant des pressions et des intimidations sournoises, directement sur les membres jury du Prix Goncourt et sur Kamel Daoud lui-même à l’heure où nous écrivons, dans le but de torpiller cette récompense. Nos sources nous ont signalé des intimidations et menaces qui vont des menaces diplomatiques discrètes à des messages anonymes, accusant l’auteur de trahison, de calomnie, et allant jusqu’à déterrer son passé supposé d’islamiste ou des allégations de violence conjugale. La machine à salir tourne à plein régime. » Ces gens-là croient qu’ils peuvent imposer à la France la censure qu’ils font régner chez eux. Eh bien, qu’ils gardent leur censure, leurs sables, leurs rues jonchées d’ordures et leurs revendications d’indemnités pour les crimes terroristes qu’ils ont perpétrés pendant des décennies.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !