Sérotonine met en scène un antihéros rendu impuissant par la dépression. Porté par l’insignifiance de la vie et la crise du monde occidental, ce roman est encore celui de notre déclin.
L’avenir seul le dira, si avenir il y a : n’était-il pas imprudent, irresponsable même, de publier Sérotonine en ce mois de janvier interminable où le manque de lumière se fait si cruellement sentir ? Oui, était-il vraiment raisonnable d’aggraver la dépression hivernale en mettant sur le marché, déjà sinistré par les manifestations répétées des gilets jaunes, le livre le plus désespérant qui soit ? On ne peut pourtant exclure que publier ce roman, à ce moment de l’année justement, soit un coup de marketing génial aux effets homéopathiques insoupçonnés : si vous voulez vraiment en finir avec la dépression, profitez donc de la saison d’hiver pour toucher le fond, et vous aurez peut-être une chance de rebondir !
Une « nuit sans fin »
Cela suppose, il est vrai, un reste de santé, d’espérance, de vitalité, qui font à l’évidence défaut au narrateur Florent-Claude Labrouste, un diplômé en agronomie de 46 ans déjà usé jusqu’à la corde par l’insignifiance de sa vie et celle du monde qui l’entoure, et qui revient tout au long du roman sur son passé pour mieux anéantir son futur. À le suivre dans sa quête d’un bonheur auquel il ne laisse aucune chance et qu’il s’empresse de saboter dès qu’il se présente ; à le voir évoluer dans des environnements ruraux et urbains plus déprimants les uns que les autres, on se dit que la dépression porte en elle une fatalité que les modes de vie modernes – isolement, froideur relationnelle, exigence de rentabilité – ne peuvent en effet qu’assombrir encore davantage. Mais sont-ils pour autant la cause d’un délabrement existentiel qui se serait très probablement produit sans eux ?
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Accablé par ce qu’Alain Ehrenberg a si justement nommé « la fatigue d’être soi »[tooltips content= »A. Ehrenberg, La fatigue d’être
