Accueil Culture Houellebecq, Onfray, Ernaux, Finkielkraut : trouvez l’intrus !

Houellebecq, Onfray, Ernaux, Finkielkraut : trouvez l’intrus !

La radio publique a déjà sa réponse.


Houellebecq, Onfray, Ernaux, Finkielkraut : trouvez l’intrus !
Annie Ernaux, le 10/12/2022 / ©Jonas Ekstromer/AP/SIPA / AP22749426_000007

Notre chroniqueur fournit ci-dessous quelques éléments factuels et, cela va de soi, objectifs, qui éclaireront judicieusement les lecteurs désireux de participer à notre Jeu concours de Noël.


Le billet de Thomas Legrand dans le Libération du 6 décembre était consacré à l’entretien croisé de Michel Onfray et Michel Houellebecq paru dans la revue Front populaire. D’après l’éditorialiste qui avait avoué sur France Inter, sans peur des représailles, être « la quintessence du bobo », le philosophe et l’écrivain sont des « trouillards ». De plus, Thomas le Téméraire prétend pouvoir faire la démonstration que Houellebecq dit n’importe quoi depuis toujours ; il en a la preuve absolue : Soumission, écrit-il, roman d’anticipation dans lequel Houellebecq imaginait l’arrivée au pouvoir d’un président musulman, se déroule en 2022. Or, s’esclaffe Legrand, en 2022, c’est… Emmanuel Macron qui a été élu ! Quelle perspicacité ! Quelle clairvoyance ! Thomas Legrand me rappelle mon beau-frère qui me disait encore il n’y a pas longtemps que 1984, le roman d’Orwell, était très surévalué. La preuve : en 1984, il n’y a pas eu de guerre nucléaire et la Grande-Bretagne était toujours un régime parlementaire démocratique.

Houellebecq et Onfray sont deux « « penseurs » stars d’extrême-droite », écrit Maurice Szafran dans Challenges (4 déc. 2022). Quelle originalité ! Quelle fulgurance ! Maurice Szafran, jamais en retard pour se plier à la doxa, hier hollandais, aujourd’hui macroniste, toujours européiste, a pu écrire que « Renaud Camus est un besogneux de la plume et une petite frappe antisémite » sans en avoir lu une ligne et qualifier Onfray d’« identitaire hargneux » sans craindre le ridicule. Dans Front populaire, Houellebecq et Onfray malmènent l’Union européenne, regrettent que cette dernière soit devenue la vassale des États-Unis d’Amérique et que l’immigration ne soit pas drastiquement ralentie. Pire, Houellebecq va jusqu’à adopter l’idée du « grand remplacement » qui est pour lui « un fait ». Pour Szafran, c’en est trop. Usant du vocabulaire gauchiste en vogue, il dit avoir compulsé « 45 pages de conversation ultra-droitière » ou « un brûlot souvent nauséabond ». Son article, exemplaire en cela, est à lui tout seul une sorte de petit recueil de la propagande et de la langue gaucho-macronistes.

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Houellebecq, encore. Annie Ernaux, qui a pris le melon depuis qu’elle a reçu le prix Nobel de littérature, vitupère l’écrivain qui ne l’a pas eu, et c’est tant mieux d’après elle : « Quitte à avoir une audience à ce prix, étant donné ses idées délétères, franchement, mieux vaut que ce soit moi ! » Les artisans qui travaillent en ce moment à l’élargissement des portes du domicile d’Annie Ernaux préviennent : on n’y arrivera pas, ça passera jamais ! Et ce n’est pas la lecture du dossier hagiographique consacré à Mme Ernaux dans L’Obs (n° 3035) qui va les rassurer. « La ferveur qui entoure Annie Ernaux semble devenue presque religieuse », écrit l’enthousiaste journaliste de l’hebdomadaire. À Bologne, dans un restaurant, « deux dames délaissent une excellente mortadelle » pour recevoir la bénédiction de Sainte Ernaux nobélisée. Devant son hôtel, un jeune Portugais l’attend depuis des heures pour « la prier de signer cinq de ses livres ». À propos du discours de la lauréate du Nobel, là où certains ont entendu « un discours sans émotion et sans âme » (Le Figaro), le journaliste de l’Obs a entendu, lui, « le discours d’une reine ». Pourquoi pas, après tout ? Mais alors, c’est une reine mauvaise dans les veines de laquelle coule le sombre poison du ressentiment, de la revanche inassouvie et de la haine. Mais que dis-je là ? Ferais-je partie de ces mécontents pathologiques qui n’ont pas su « se réjouir quand le Nobel de littérature revient à l’une de leurs compatriotes » ? Oui, j’en fais partie – d’ailleurs l’hebdomadaire cite un très court passage de mon article paru dans Causeur pour le prouver. Ceci dit, je suis bien entouré : Alain Finkielkraut et Eugénie Bastié font partie des vilains. En revanche, William Marx, historien de la littérature, professeur au Collège de France et ardent admirateur d’Ernaux, a droit à la reconnaissance éternelle de L’Obs. Il faut dire que son tweet à l’annonce de la grande nouvelle ne sombrait pas du tout dans le ridicule : « Peu de prix Nobel de littérature sont aussi incontestables que celui qui vient d’être décerné à Annie Ernaux. Elle a modifié notre sensibilité aux choses, aux événements, au temps, et cela, c’est énorme ». C’est énorme, j’allais le dire.

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De son côté, Daniel Schneidermann, le producteur d’Arrêt sur images, enrage dans Libération. Il a écouté sur France Culture l’émission Répliques du 26 novembre consacrée à Annie Ernaux. La première demi-heure, dédiée à l’œuvre littéraire de cette dernière, est assez consensuelle voire dithyrambique de la part des deux invités, Raphaëlle Leyris (Le Monde des livres) et l’écrivain et critique littéraire Pierre Assouline. Passé ce moment d’échanges policés, Alain Finkielkraut tient à aborder le versant politique et polémique de l’écrivain nobélisé et rappelle à ce sujet ses faits d’armes : son texte ravageur contre Richard Millet, son soutien à Houria Bouteldja et, inconditionnel, à Jean-Luc Mélenchon, ses nombreuses signatures à des pétitions contre Israël, son adhésion au hijab, etc. Devant son poste, Schneidermann s’agace – il préférerait qu’on parle d’autre chose. Mais Finkielkraut et Assouline sont décidés à vider leurs sacs. « À propos de Richard Millet, je trouve que c’est une date dans l’histoire littéraire de la France parce que c’est la première fois depuis la libération et l’épuration qu’un écrivain lance un appel à lyncher un autre écrivain », dit Pierre Assouline en précisant que s’il apprécie ses romans, il a aussi durement critiqué d’autres livres de Richard Millet. « Il n’empêche, ajoute Assouline en parlant des écrivains qui ont signé la pétition d’Ernaux, un écrivain se déshonore en signant une pétition appelant au lynchage d’un autre écrivain. Moi, ça me dégoûte ». Au grand désarroi de Daniel Schneidermann, Assouline enfonce le clou en rapportant l’unique et désolante réponse d’Annie Ernaux après qu’il lui eut dit son incompréhension quant à ses engagements mélenchonistes imprégnés d’islamo-gauchisme et, surtout, son anti-sionisme obsessionnel : « Jusqu’à mon dernier souffle, je vengerai ma race ». Si Assouline admire « l’intelligence et la finesse de l’écrivain », il ne comprend pas cette femme militante qui a « une vision manichéenne et simpliste du monde ». « En fait, dit Assouline, politiquement, Annie Ernaux est née en 1789 ». Et de la citer : « Je suis tellement née en 1789 que l’Ancien régime m’est totalement indifférent. Je suis une passionnée du nouveau calendrier révolutionnaire parce qu’il avait le grand mérite d’effacer les années qui ont précédé, d’effacer le passé ». Assouline assène un dernier coup : « Il y a un trait de caractère de Sartre dont Annie Ernaux a hérité. Politiquement, elle est bornée ! » Daniel Schneidermann est abasourdi : « France Culture est-elle devenue folle ? », questionne-t-il dans Libé. Non, non, cher Daniel Schneidermann, je tiens à vous rassurer, ni France Culture, ni France Inter, ne sont devenues folles. La radio publique genuflixe à tout-va devant le tabernacle contenant les œuvres de Sainte Ernaux. J’ai compté : vingt émissions ou chroniques lui ont été consacrées depuis l’annonce de son prix Nobel. À part la deuxième partie de l’émission de Répliques, l’auditeur n’aura entendu qu’éloges panégyriques, portraits dithyrambiques et célébrations mystiques. Ernaux mérite bien ça, « son œuvre est traduite en trente-sept langues », rappelle Daniel Schneidermann. Celle de Houellebecq est traduite en plus de quarante langues, pourrait-on lui rétorquer. Oui mais, balance Annie la vacharde, « il est traduit, parce que c’est extrêmement facile à traduire ». On a le droit de rire aux éclats ?[1]

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Soyons juste, Houellebecq et Onfray ont eu, eux aussi, dernièrement, les honneurs, si j’ose dire, de la radio publique. L’impeccable Yaël Goosz, journaliste france-intérien à la pointe du wokisme de salon radiophonique, a consacré son édito du 30 novembre aux deux « déclinologues dissertant sur la fin de vie de la France et de l’Occident, au service d’un populisme de droite assumé ». Ce qu’il y a de bien avec les éditos de Yaël Goosz (c’était déjà vrai avec ceux de Thomas Legrand), c’est que, dès l’annonce du sujet, on sait ce qu’il va dire. On est obligé d’avouer qu’on n’a pas grand mérite : les billets politiques de la matinale de France Inter sont tous immanquablement de gauche, progressistes et wokistes. Cette fois encore, ce que nous entendîmes était convenu et attendu. « À l’heure où l’ultra droite reprend des couleurs (sic) », Houellebecq tient des propos dangereux. Et Onfray, c’est pas mieux. À côté de nos deux acolytes, Zemmour « passe pour un enfant de choeur ». Et patati, et patata. Tout ça est sans surprise. La matinale de France Inter c’est Yaël Goosz, Léa Salamé, Nicolas Demorand, Claude Askolovitch et Pierre Haski – non, là, ne cherchez pas, il n’y a pas d’intrus dans cette liste de journalistes-militants de gauche officiant sur une radio publique de gauche faisant partie d’un service audio-visuel public de gauche.

Voilà, chers lecteurs, vous avez toutes les cartes en main. Vous pouvez maintenant participer à notre Jeu concours : « Houellebecq, Onfray, Ernaux, Finkielkraut : trouvez l’intrus ! » [2]


[1] Lors de l’émission Répliques du 2 février 2019 consacrée à Michel Houellebecq, Alain Finkielkraut cite la phrase suivante, extraite du journal d’une personnalité dont il tait d’abord le nom : « Je ne comprends pas les gens qui disent que Michel Houellebecq n’a pas de style. Faut-il qu’ils manquent d’oreille. Houellebecq a le style imperturbable, le style Buster Keaton, pince-sans-rire, un des tons les plus difficiles à trouver et surtout à garder, à tenir sur la distance. Lui s’acquitte de cet exercice de haute voltige avec une virtuosité sans égale, etc. » Après avoir lu ce passage, Finkielkraut demande à ses invités s’ils sont d’accord avec cet éloge et s’ils devinent le nom de celui qui l’a écrit. Enthousiastes, Frédéric Beigbeder et Agathe Novak disent partager totalement cette analyse mais échouent à en reconnaître l’auteur. Finkielkraut, malicieux, leur apprend alors qu’il s’agit de… Renaud Camus.

[2] L’auteur de cet article lit absolument tous les commentaires. Il espère une forte participation à notre Jeu concours de Noël, lequel, c’est son originalité, n’est doté d’aucun prix. Il sait pouvoir compter sur Félicité, Diogène, Balthasar G, L’Ours, Quasi modo, Jenny, Vieux gaulliste ringard, Guenièvre, Sibol, Jo le Taxé, Esope, Claudia, Porc-épic, Clermont et de nombreux autres qui lui pardonneront de ne pas les nommer, pour assortir chacune de leurs réponses d’un commentaire circonstancié, argumenté, drôle, ironique, spirituel ou piquant. Dans l’attente impatiente de les lire, il leur souhaite un Joyeux Noël.



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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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