Hier soir, au journal télévisé de la Deux, Michel Houellebecq nous en a mis plein les mirettes. Non que le stigmatisé du moment se soit montré sapé comme un milord, ou mielleux d’éloquence ; mais avec son œil torve, sa lèvre flapie d’où semblait s’échapper la cendre d’une cigarette imaginaire et son électroencéphalogramme digne d’un plateau belge, l’auteur de Soumission a donné une leçon de rhétorique à tous les professionnels de la profession.
À côté de son relief, ses trois détracteurs interrogés par les reporters de France 2 ont fait pâle figure. J’ai failli rire jaune en entendant l’essayiste Malek Chebel pointer la « responsabilité » d’un écrivain auquel il reproche de montrer l’islam sous un jour défavorable (c’est bien connu, Houellebecq a inventé l’Etat islamique, les persécutions contre les minorités et toutes les autres joyeusetés qu’on déplore dans les pays au croissant rien que pour nous embêter…). Si l’on ne considère pas la conception française des droits de l’homme (et de la femme) comme un sanctuaire inviolable, force est de reconnaître le parti musulman que dépeint l’écrivain n’a rien d’extrémiste ni de violent. De là à penser qu’un islam politique, même modéré, ne fait pas toujours bon ménage avec le Bien, le Beau et le Bon, il y a un pas que nos meilleures associations nous interdisent de franchir.
Tout sourire, avec ses lunettes à la Groucho Marx, le président de la LICRA Alain Jakubowicz expliquait d’ailleurs – sans vraiment y croire ? – que Soumission était « le plus beau cadeau de Noël » dont Marine Le Pen pouvait rêver. En plateau, Houellebecq lui répliquera qu’aucun roman n’a changé le cours de l’Histoire, à la différence d’essais comme le Manifeste du parti communiste, et que le Front national n’a vraiment pas besoin de lui pour surfer sur le vent mauvais du mal-vivre-ensemble.
Que dire enfin de Michela Marzano, écrivain et féministe transalpine, qui incrimine le romancier immoraliste, coupable de décrire sans moraline le détricotage des droits de la femme par la Fraternité musulmane au pouvoir. Comme nombre de ses contemporains écrivains, Houellebecq aurait sans doute dû s’en offusquer en jalonnant son livre d’avertissements du style (« je défends les femmes contre l’islam », ou « je suis l’auteur de ce roman et je désapprouve ce que dit mon personnage »). Houellebecq manquerait-il d’humanisme ? Peut-être pèche-t-il par défaut d’islamophobie…
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