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Imagine-t-on une hôtesse apporter la Coupe à Djokovic avec du poil aux pattes?

Le tournoi de tennis sur terre battue a été marqué cette année par une polémique féministe


Imagine-t-on une hôtesse apporter la Coupe à Djokovic avec du poil aux pattes?
Finale de Roland Garros 2023 Djokovic / Ruud © CHINE NOUVELLE/SIPA

Pour certains responsables politiques, et pour certaines féministes, les consignes plutôt anodines données aux hôtesses du tournoi de tennis de Roland Garros ne sont plus tolérables.


« J’pris un homard sauce tomate/ Il avait du poil aux pattes/ Félicie aussi ». À n’en pas douter, l’égérie de la chanson de Fernandel n’aurait pas pu faire partie des hôtesses retenues cette année encore à Roland-Garros pour accueillir le public, et contrôler les billets. C’est en tout cas ce que l’on a appris, le samedi 3 juin, dans le supplément local du Parisien. « Jeunes, blanches, fines », si l’on en croit l’une d’elles, triées sur le volet, elles font l’objet d’une sélection drastique, qui passe mal aux yeux de certaines.

Le monde d’hier

« Tailleur jupe, escarpins noirs, classiques, coiffée, maquillée ». Pas de piercing, pas de tatouage, même si dans les faits, on peut croiser quelques jeunes filles ornées d’un papillon ou d’un dauphin sur le poignet. Et surtout, épilation des jambes et des aisselles. Tout cela est précisé dans le « Guide de l’Hôte(sse) parfait(e) », remis aux jeunes gens, avec tous les conseils à l’intérieur pour lutter contre les mèches rebelles. Pour les garçons, les recommandations se limitent à la taille de la barbe, qui doit être impeccable. Pour les filles, le premier bouton du polo Lacoste doit rester ouvert. 

Il n’en fallait pas plus pour susciter l’émotion de la députée Nupes Sandrine Rousseau. « Roland-Garros, c’est le monde d’hier, une institution conservatrice, rétrograde, sexiste et misogyne qui prend les femmes pour des plantes vertes. En demandant une épilation aux hôtesses, on sexualise leur corps », s’est-elle indignée. Ou de Sophie Binet, à la CGT : « On nie le professionnalisme des hôtesses en les enfermant dans un rôle de potiche (…) Roland Garros a ses responsabilités », et devrait faire cesser ce qui relève selon elle d’un « sexisme structurel ». Flodor Rilov, avocat spécialiste du droit du travail, ajoute : « C’est consternant et illégal. Je n’ai jamais vu cette injonction à l’épilation, y compris dans des contrats de travail de top models ». Sur Paris Première, dans l’émission Ne nous fâchons pas, la chroniqueuse Julie Graziani a nuancé ce point de vue : « Cela serait sexiste si les hommes étaient dispensés de ces mêmes injonctions vestimentaires, et ce n’est pas le cas. Quand on va à Roland-Garros (…), il y a des hôtesses d’accueil et des hôtes d’accueil. On n’attend pas de l’hôte d’accueil qu’il vienne comme un hippy à cheveux gras en portant un tee-shirt à la propreté douteuse ». En fait, de l’hôtesse de caisse à la présentatrice météo, peu de métiers – ceux en tout cas qui ne peuvent pas se pratiquer en télétravail – permettent de se rendre en travail en pyjama.

Avant le scandale de la Porte d’Auteuil, des précédents 

Nous sommes presque surpris que cette polémique n’arrive que maintenant dans le monde feutré du tennis. D’autres sports ont dû se mettre à jour ces dernières années. Les premières « victimes » furent de Formule 1. En 2018, les organisateurs de la compétition de course de voitures avaient décidé de supprimer les « grid girls » et de les remplacer par des enfants. Tant pis si les jolies filles y ont perdu un moyen de gagner un peu d’argent de poche ; après tout, elles n’ont qu’à se laisser un peu aller et devenir députées de la Nupes : ça gagne mieux et les carrières sont plus longues. Ce fut ensuite au tour du cyclisme. Les Miss étape du Tour de France, jeunes filles accortes qui remettaient un bouquet de fleurs au maillot jaune, avaient provoqué l’écœurement de certains élus de gauche, et notamment de la maire de Rennes Nathalie Appéré (PS), au point de forcer les organisateurs, en 2020, à déplacer le départ du Tour à Brest. Quelques semaines plus tard, la direction du tour annonçait qu’il y aurait à l’avenir une jeune femme et un jeune homme sur le podium après chaque étape.

Bien sûr, la vue de jeunes filles en fleur, polo Lacoste impeccable, aisselles et jambes épilées, n’est pas spécialement désagréable. On pourrait toutefois très bien s’accommoder pour la remise de la Coupe des Mousquetaires à Novak Djokovic d’une hôtesse un peu rondelette, militante MLF sur le retour, à l’épilation incertaine, puisque c’est la grande mode. Pour preuve la chanteuse belge Angèle, laquelle avait défrayé la chronique avec ses poils sous les bras apparents dans un clip musical. Plus récemment, c’est au tour de la fille de Vincent Cassel et de Monica Bellucci. On ne connaît pas à ce jour de tels clichés pour Lio ; à la limite, on aurait pu mettre ça sur le compte de l’atavisme lusitanien…

Pour les uns un sujet sérieux, pour tous les autres un sujet propice à la rigolade

À droite, quelques rieurs n’ont pas raté l’occasion de saisir la balle au bond. Jean-Pierre Lecoq, maire LR du VIème : « il y a des hommes qui aiment les femmes poilues. Un petit duvet, ça peut être mignon ! ». Pourtant, il y a eu de petits efforts de faits cette année. Après plusieurs soirées réservées aux matches des messieurs, le tournoi a fini par céder à la pression de la WTA (la fédération internationale de tennis féminin) et a accordé une session nocturne (ces affiches de luxe programmées le soir) aux dames. Hélas, des centaines de places ont été remises en vente quasiment aussitôt. 

En réalité, et c’est peut-être l’analyse que ferait Jean-Marie Bigard, le problème est bien plus sérieux et plus systémique qu’on ne le croit. Sandrine Rousseau devrait s’en charger plus sérieusement. Le tennis reste à notre connaissance l’unique sport qui oblige de jeunes femmes, parfois aux penchants saphiques, à tenir pendant des heures et des heures un gros manche.




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