La frappe sur l’hôpital de Gaza nous rappelle que la guerre entre Israël et le Hamas se joue aussi sur le front de l’information et des images.
Même si on n’a pas de certitude absolue sur les faits, on peut déjà parler d’une immense bavure médiatique. Mardi, dès 20 heures, quelques minutes après les faits, des médias français et occidentaux annoncent 200, puis 500 morts, « dans une frappe israélienne sur un hôpital de Gaza ». J’aurais pu commettre la même bourde, tant cette conclusion semblait évidente, puisque c’est Israël qui bombarde Gaza. Mais très vite, l’armée israélienne dément toute responsabilité et fournit des éléments probants, y compris à Joe Biden, dont l’enregistrement d’une conversation entre deux membres du Hamas, étayant la thèse d’un tir raté du Jihad islamique. De plus, si le tir était parti d’Israël, il est difficile d’expliquer que les journalistes qui grouillent au sud du pays n’aient rien vu. Hier soir, la plupart des médias, soudainement très prudents, expliquaient qu’il y avait de la propagande partout, et qu’on ne pouvait rien savoir. Il y a de la propagande, évidemment, mais aussi des faits.
La responsabilité des médias est plus lourde que jamais
Et attention, nous ne sommes pas ici dans un débat théorique sur la guerre de l’information. Car un reportage diffusé à Paris ou Gaza peut entraîner des morts à Londres ou Arras. Et en l’occurrence, cette information (des Israéliens tuent des centaines de civils dans un hôpital) a déjà provoqué des manifestations devant plusieurs de nos ambassades. Résultat : tout le monde craint désormais la contagion émeutière, des chancelleries occidentales aux palais présidentiels des régimes de pays musulmans.
Est-ce alors la faute des médias occidentaux ? Non, soyons honnêtes. Les médias peuvent inspirer ou conforter un assassin d’opportunité dans nos villes. Mais pour les foules qui ont manifesté hier, cela ne change pas grand-chose. Elles vivent déjà à l’ère de la post-vérité.
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Même si on leur montrait des photos de membres du jihad envoyant le missile, elles resteraient convaincues que c’est un coup des sionistes. La haine d’Israël, attisée par l’ignorance, est manipulée par tous les pouvoirs. Et le mensonge de 2003 sur les armes irakiennes a durablement discrédité la parole américaine et occidentale, y compris dans les élites arabes.
Il est vain d’interdire la haine
Les manifestations ne se déroulent pas seulement à Téhéran ou à Tunis; il pourrait aussi s’en produire à Sarcelles ou Vénissieux.
Pourtant, il ne faut pas interdire ces manifestations à mon avis, même si elles sont clairement pro-Hamas, sauf quand le risque de trouble à l’ordre public est absolument manifeste. C’est d’ailleurs la position assez sage du Conseil d’État qui n’interdit pas d’interdire, mais exige du cas par cas sous la houlette des préfets plutôt qu’une directive ministérielle générale. Oui, on risque d’entendre des slogans écœurants, et il faudra les sanctionner. Mais ce n’est pas en interdisant la haine des juifs et d’Israël qu’on la fera disparaître.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
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