Si la fameuse tirade « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » est parfois abusivement attribuée à Beaumarchais, on pourrait fort bien la mettre dans la bouche du Premier ministre hongrois Viktor Orbán. Après avoir stigmatisé le FMI sur d’immenses affiches qui ont couvert les murs la capitale tout l’été, voilà qu’il remet ça pour s’en prendre, cette fois-ci, aux chefs des deux gouvernements qui ont précédé l’actuelle majorité: Ferenc Gyurcsány et Gordon Bajnai, présentés comme des quasi-malfrats. Orban leur reproche les mêmes projets inavouables que le FMI, comme de vouloir sucrer les allocations familiales ou rogner sur les retraites, ce qui est, bien sûr, strictement faux. Le but : préparer l’opinion à un abandon des négociations avec le FMI, ou déconsidérer ses deux concurrents avant qu’ils ne se lancent officiellement dans la course aux élections de 2014. Et tout porte à croire que cela paie…
Autre coup d’esbroufe : présenter le résultat du dernier sommet européen comme un succès historique, une victoire brillamment remportée grâce à la pugnacité de Viktor Orbán. De quoi s’agit-il donc? Tout bonnement de ce que, malgré un budget européen en baisse pour la période 2014-2020, la Hongrie voit sa dotation augmentée, passant de 660 000 Ft (forints) à 712 000 Ft par habitant. Augmentée? Sauf que… une petite précision (de taille) s’impose : en 2007, lors de l’établissement du précédent budget, l’euro valait environ 255 forints. Aujourd’hui, il en vaut 290, soit 15% de plus. En tenant compte de cette variation, les 660 000 Ft du départ devraient se situer autour de 760 000 Ft et non 712 000 Ft aujourd’hui.
Mais allez expliquer cela à la majorité des 8 millions d’électeurs hongrois qui ne regardent que la télévision officielle. À peine 1 million regardent la chaîne d’opposition ATV ou écoutent l’unique station non gouvernementale, Klub Rádió, au demeurant menacée de disparition.
Une stratégie qui paie. Parmi les qualités de Viktor Orbán, reconnaissons-lui un art inégalé de la communication, de la mise en scène et du maniement des foules. Là où précisément l’opposition se montre particulièrement médiocre…
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