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Hongrie: Orban joue la carte de l’immigration


Hongrie: Orban joue la carte de l’immigration
(Photo : SIPA.00728080_000036)
(Photo : SIPA.00728080_000036)

Le 2 octobre prochain, le gouvernement hongrois proposera par référendum le rejet de la politique de quotas imposée par Bruxelles (« Approuvez-vous que l’Union européenne puisse imposer l’établissement en Hongrie de ressortissants non Hongrois sans l’accord de l’Assemblée nationale ? »). Référendum dont l’issue en faveur du rejet ne fait pas de doute, mais dont il n’est pas certain qu’il puisse être validé, nécessitant pour ce faire 50 % + 1 voix de participation, ce qui n’est pas acquis. A 18 mois des prochaines législatives.

Quelle que soit l’opinion que l’on aura sur le sujet, il est évident que le thème de l’immigration, cheval de bataille de Viktor Orbán, vient à point pour faire oublier les affaires de corruption qui entachent des proches du gouvernement. A un moment aussi où les grands syndicats et certaines professions se mobilisent (enseignement, santé). C’est de bonne guerre, dira-t-on. Sauf que le combat se déroule à armes inégales. En effet, le gouvernement vient de lancer une impressionnante campagne d’affichage sur la voie publique, d’encarts et de spots dans les médias. Campagne qui coûte une fortune, et ce aux frais du contribuable. Ce que ne peut s’offrir l’opposition.

Une campagne dont les slogans hostiles au migrants grossissent quelque peu la réalité, sur le leitmotiv du « Le saviez-vous ? » Ce qui est habile, mais sournois, est qu’ils reposent sur un fond plus ou moins réel, mais habilement déformé. Quelques exemples : « Le saviez-vous ? L’attentat de Paris a été perpétré par des migrants », « Le saviez-vous ? Depuis le début de la crise migratoire, le nombre des agressions contre les femmes augmente en flèche » ou encore « Le saviez-vous ? Bruxelles entend implanter chez nous des immigrants illégaux équivalant à la population d’une ville. »

Dans ce dernier cas, l’assertion ne traduit pas la réalité, le nombre avancé par Bruxelles étant de 1 900 (sur une population de 10 millions d’habitants), qui plus est non pas des « illégaux », mais des demandeurs d’asile. Quant aux attentats de Paris, les auteurs du slogan jouent habilement sur les mots car, si deux des terroristes du 13 novembre étaient effectivement  irakiens, tous les autres assaillants étaient des ressortissants français ou des Belgo-Marocains nés en Belgique…

Mais bon, on peut donner à parier que la campagne va faire mouche. Dans une population hongroise où 72 % des personnes interrogées déclarent avoir une mauvaise opinion des musulmans, dont le nombre ne dépasse pas en Hongrie les 50 000. Par comparaison, en France, qui dénombre une population d’au moins 5 millions de musulmans, 29 % des personnes interrogées déclarent avoir une mauvaise opinion d’eux, le reste établissant un distinguo entre musulmans et islamistes[1. Sondage réalisé par l’institut américain Pew Research Center.].

Face à cela, l’opposition est divisée entre partis prônant d’aller voter pour contrecarrer l’initiative et d’autres de s’abstenir pour la rendre caduque. Sans parler des écologistes du LMP qui viennent de soutenir le référendum.. Une fois de plus, l’opposition montre sa faiblesse et la tactique de Viktor Orbán — « diviser pour mieux régner » — porte ses fruits. Encore qu’il n’ait nul besoin d’intervenir pour ce faire, l’opposition sachant fort bien se diviser toute seule comme une grande, sport dans lequel elle est passée maîtresse.

97 % des investissements hongrois grâce à des subventions européennes !

On peut pratiquement parler d’une campagne de désinformation, mais ce qui choque le plus est qu’elle utilise des fonds publics pour influer sur l’issue du scrutin. Quant au scrutin lui-même, il remet en cause la décision d’une instance européenne dans laquelle avait siégé Viktor Orbán lui-même…

L’immigration, un thème également bienvenu pour descendre une fois de plus en flèche les institutions européennes, voire remettre en cause l’Union européenne. Certes, Viktor Orbán n’est pas le seul et force est de reconnaître que sa critique n’est pas tout à fait infondée. Il est en cela soutenu par deux de ses partenaires du Groupe de Visegrád (le « V4 ») : la Pologne et la Slovaquie, le quatrième, la République tchèque, se tenant prudemment à l’écart.

Il est vrai que les critiques ne sont pas totalement injustifiées, et l’on observe partout ailleurs aussi, à commencer par chez nous en France, des mouvements souverainistes de plus en plus de plus en plus soutenus. Là où le bât blesse est que la Hongrie figure parmi les premiers bénéficiaires des subventions de Bruxelles qui financent 97 % (chiffre officiel) de ses investissements. Pour résumer de façon un peu simpliste et prosaïque cette attitude on croirait entendre un ado dire : « Papa, laisse moi tranquille, mais donne moi mon argent de poche ! »

Mais de là à parler de « Hungexit », on en est loin et il n’en est pour l’instant nullement question. Un récent sondage donne d’ailleurs une majorité de Hongrois en faveur du maintien. Voilà au moins une bonne nouvelle…



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Diplômé des Langues'O (russe, hongrois, polonais), Pierre Waline est spécialiste de l'Europe centrale et orientale. Il vit a Budapest où il co-anime entre autres une émission de radio.

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