George Soros: 87 ans, milliardaire américain d’origine hongroise, l’une des personnalités les plus influentes, mais également les plus contestées du monde de la finance. Établi depuis 1957 aux États-Unis après avoir fui le communisme en 1947, George Soros a maintes fois fait l’objet de critiques après des spéculations plus que douteuses. C’est lors de la crise de 1992 qu’il se fit réellement connaître en spéculant sur une baisse de la livre sterling qui lui rapporta en un temps record une somme considérable, mettant du même coup la Banque d’Angleterre au bord de la faillite.
Mais c’est également un grand philanthrope connu pour ses soutiens aux pays en développement ou en cours de reconstructrion pour une transition vers la démocratie (70 pays concernés pour un montant de 8 milliards de dollars alloués au travers d’une vingtaine de fondations). Les anciens pays du bloc soviétique en font partie. Comme la Hongrie, dont maints ressortissants purent jouir d’une bourse financée sur ses fonds pour se former en allant suivre des études à l’Ouest (1989-1990). Parmi ces bénificiaires, le jeune Viktor Orbán et nombre de ses partisans ou amis aujourd’hui proches du pouvoir.
Le « Plan Soros » n’existe pas
Également critiqué pour ses ingérences dans le monde de la politique (dont son récent soutien à Hillary Clinton face à Donald Trump), George Soros n’a pas manqué de prendre position au sujet de la crise des migrants. C’est ainsi qu’en septembre 2015, il exposa ses propositions pour rebâtir le système de l’asile. De là à en faire la bête noire de Viktor Orbán, le pas a vite été franchi. Orbán qui, comme on le sait, a fermement pris position pour une tolérance zéro en la matière, se refusant à voir le moindre migrant pénétrer sur le sol hongrois au nom de la défense de la souverainté et du « monoculturalisme » de son peuple.
Ce qui nous avait valu ces derniers mois une vaste campagne d’affichage présentant le milliardaire juif comme encourageant et finançant l’entrée de migrants en Europe par millions, ayant de plus réussi à mettre sous sa coupe les autorités de Bruxelles. Et ne voilà-t-il pas que, dans la lancée, le gouvernement est en train de mettre en place une consultation nationale sur le sujet, agrémentée d’une nouvelle campagne d’affichage. La consultation nationale: une pratique lancée par Viktor Orbán, largement préférée au référendum. Celle-ci sera la troisième depuis 2015: envoi par la poste aux 8 millions d’électeurs d’un long questionnaire du type « Êtes-vous d’accord pour défendre notre nation et dire non à…etc? » Jusqu’à présent, le taux des réponses a oscillé entre 10% (800 000 personnes) et 20% (1,6 millions), ce dernier considéré par Orbán comme un éclatant succès. Comme on s’en doute, les questionnaires renvoyés et non jetés à la poubelle sont le lot des fidèles partisans du régime, donnant un taux d’approbation approchant les 99%. Tout ceci aux frais du contribuable pour un montant plus que substantiel. Ce à quoi on ajoutera le coût, également considérable, de ces affiches omniprésentes sur tout le pays:
Sous le leitmotiv « Approuvez-vous le Plan Soros? », il est demandé aux citoyens leur avis sur la volonté de Soros d’imposer aux Hongrois, par l’accueil en masse de ces immigrés, un renoncement à leur culture, voire à leur souveraineté, jusqu’à mettre en danger l’usage même de la langue nationale… Sauf que de « Plan Soros », il n’y en a point réellement. Seules des déclarations publiques dans lesquelles, il a, certes, invité les pays de l’Union européenne à accueillir les demandeurs d’asile, mais (détail important) „sur la base du volontariat”. Un questionnaire pour le moins tendancieux, d’autant plus dangereux qu’il contient, plus que de véritables contre-vérités, des semi-vérités propres à semer le trouble.
L’arbre Soros qui cache la forêt
Bien au-delà de l’opinion que l’on pourra se faire sur la personne de George Soros et au-delà de la question des migrants, l’initiative du Premier ministre hongrois dépasse largement ce cadre. Alors que les inégalités sociales ne font que s’accroître face à la corruption et à l’enrichissement vertigineux d’oligarques proches du régime. Alors que les hôpitaux et le système de santé sont au bord de la faillite. Alors que plus de 600 000 jeunes ont définitivement quitté le pays au cours de ces dernières années, sur une population inférieure à 10 millions, en majorité médecins et personnels hospitaliers dont le manque se fait de plus en plus cruellement sentir… Voilà une occasion rêvée de détourner l’attention de la population et de focaliser ses craintes sur un sujet épineux, mais qui porte. Une démarche qui risque fort de s’avérer payante, sachant qu’une grande majorité des Hongrois se déclarent opposés à l’arrivée de ces indésirables débarqués d’Afrique et du Moyen-Orient.
On reconnaît bien là toute l’habileté du Premier ministre hongrois, fin stratège qui a compris que la meilleure des défenses était de s’inventer un ennemi public sur qui drainer les rancœurs (sans parler de la petite touche d’antisémitisme liée à la personne de Soros, bien qu’il s’en défende.). A six mois des élections, alors que l’opposition n’a jamais été si divisée, voilà qui promet de lui assurer une fois de plus un beau succès aux législatives d’avril prochain.
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