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Pédé, vous avez dit pédé ?


Pédé, vous avez dit pédé ?

Mais au fait, qu’est-ce qu’un homo tenu à une distance raisonnable de Tourcoing peut-il en avoir à faire des considérations de Christian Vanneste ? La France se lève-t-elle le matin en écoutant radio Vanneste et en suivant ses commandements ? Cela m’étonnerait que les casseurs de pédés sachent même qui est cet homme-là. Les juges égyptiens, qui envoient régulièrement des homosexuels se balancer au bout d’une corde, ne tournent pas leur regard vers la Cité du Broutteux pour prononcer leur sentence. Le 25 septembre dernier, en Iran, Nemat Safavi a été condamné à mort pour homosexualité. A-t-on vu un seul éditorialiste français écrire une ligne sur ce jeune homme de dix-neuf ans qui ne subit à vrai dire que très rarement l’homophobie vannestienne dans les boites branchées du Marais ? Bien entendu que non, puisqu’on vous dit que le problème des homosexuels en France et dans le monde s’appelle Christian Vanneste, qu’il est de Tourcoing, qu’on l’a sous la main et qu’il ne va pas s’en sortir comme ça.

Il aura donc bien fallu le concours des médias, des associations gaies et de l’Union syndicale des défenseurs de la veuve et des deux orphelines pour faire un battage tel que nul n’est désormais censé ignoré en France qu’il y a au Palais-Bourbon des députés un peu plus gay friendly que M. Vanneste…

Il aura fallu aussi le concours du Syndicat national des entreprises gaies (troisième partie civile avec Act up et SOS homophobie) pour porter l’affaire devant les tribunaux. Qu’est-ce qu’un syndicat professionnel vient faire ici ? Personne ne s’est posé la question. C’est fort dommage. Moi j’échafauderais bien quelques hypothèses si la perspective de me retrouver assise dans le box des accusés ne me glaçait pas le sang. Christian Vanneste aurait-il laissé des ardoises dans l’un ou l’autre établissement gay de la capitale ? Une boîte, un sauna, un sex-shop ? C’est qu’il la porte bien sa cinquantaine grisonnante… Je n’irai pas plus loin, car ses prises de position me laissent entrevoir une ouverture. Il est à peu près certain que si je lui faisais du rentre-dedans il ne me répondrait pas par un : « Tu sais, Trudi, je t’aime bien, mais je suis gay… »

Mais je m’égare. Si un syndicat professionnel s’est porté partie civile, c’est que le principal tort de M. Vanneste est d’avoir porté atteinte au commerce. C’est un peu comme à la télé française où ni les journalistes ni les présentateurs n’ont le droit de citer de nom de marque à l’antenne. Ce n’est pas par crainte qu’ils fassent de la publicité déguisée, mais bien pour les priver du droit de critiquer telle ou telle marque. L’homosexualité est devenue une marque déposée, celle d’un fond de commerce, électoral et lucratif… Toute critique à l’encontre de la gayitude est un acte anti-marketing. Ça ne pardonne pas. Tout le monde est invité à défiler en rangs serrés à la gay pride, sous peine de passer pour le dernier fachoïde venu. Car le pédé est essentiellement festif et démocratique – et ce n’est pas Jorg Haider qui dira le contraire, de toute façon, même s’il le voulait, il ne pourrait plus.

La décision de la Cour de Cassation vient donc bouleverser cet ordonnancement des choses. Les plus rétrogrades des Français se rassérènent. Certains à l’UMP se réjouissent à l’idée de ne plus être obligés d’aller chaque année défiler à la gaypride en poussant de petits : « Ne poussez pas derrière. » Franchement, ce pays ringard qui déjà n’est pas foutu d’élire un président noir n’est pas prêt d’avoir un Obama gay.

Photo de une, Gaypride Roma 2006, par Pensiero, flickr.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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