Dilemme juridique: accorder aux hommes transgenres l’accès à la PMA pour toutes reviendrait à reconnaître une nouvelle catégorie sexuelle à l’état civil. Car oui, vous ne le saviez peut-être pas, mais des hommes sont désormais en capacité de mener une grossesse…
Ce vendredi 8 juillet, le Conseil constitutionnel ratifiait l’exclusion des hommes transgenres de la PMA pour toutes. Celle-ci était ouverte par la loi « bioéthique » d’août 2021 aux couples lesbiens et aux femmes seules. Le Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS) avait donc saisi les Sages sur cette question prioritaire de constitutionnalité. La condition d’accès à la PMA étant fondée sur l’état civil plutôt que les capacités reproductives réelles, le GIAPS estimait qu’infraction était faite au principe d’égalité entre hommes et femmes.
On ne naît pas femme, on le devient?
Réponse du Conseil constitutionnel : il s’agit par cette loi de « permettre l’égal accès des femmes à l’assistance médicale à la procréation, sans distinction liée à leur statut matrimonial ou à leur orientation sexuelle ». Ainsi, « la différence de situation entre les hommes et les femmes, au regard des règles de l’état civil, pouvait justifier une différence de traitement » pour l’accès à la PMA. A l’allégation du seul état civil, le GIAPS répond qu’alors, le Conseil « vient réduire à néant le principe constitutionnel d’égalité entre les sexes ».
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« On ne naît pas femme, on le devient » : les études de genre décorrèlent le sexe biologique de l’identité sociale. Nature contre culture. Culture contre-nature, rétorqueraient certains frileux de l’arbitraire subjectif ou du déterminisme social. Mais qu’invoque le GIAPS pour l’accès à la PMA des hommes transgenres disposant encore d’un utérus ? Précisément cette transcendance du sexe biologique sur l’état civil issu de ma seule décision d’être homme ou femme. To be and not to be : je suis homme civil et femme biologique, que l’on reconnaisse donc les droits de celle-ci et l’identité de celui-là. Le beurre, l’argent du beurre, et les bonnes grâces de la crémière. Mais admettons. Rendons justice à la justesse du GIAPS quand il souligne la fissure de l’édifice maniaco-législocrate : « Si le sexe à l’état civil est un critère objectif et rationnel pour distinguer l’accès à certains droits, pourquoi ne pas dire que seules les femmes à l’état civil ont accès, par exemple, aux allocations familiales, ou encore que les hommes trans sont exclus de l’accès à l’IVG ? ». La revendication d’une égalité fondée sur le sexe biologique plutôt que l’état civil semble plus probante qu’une exclusive référence à ce dernier. Car au grand dam des casuistiques du genre, « iel » est superbement ignoré dans la lutte contre la précarité menstruelle. Le genre est dérangé, le genre est dé-genré. Face à ce naturel qui revient au galop, le Conseil constitutionnel clôture maladroitement le débat par l’état civil. Qui a les mains propres, mais qui n’a pas de mains. Le principe d’une stricte identité juridique contre la réalité des hormones : un Kant se drapant dans la toge de son légalisme éthéré. Le GIAPS souligne ainsi l’hypocrisie du hiatus entre état civil et biologique. D’un côté l’artifice de l’identité et de l’autre, le droit par la nature. Que faire ? Concéder le premier et accéder aux demandes du second ? Ou comment mettre un sparadrap sur la jambe de bois des dysphories de tout genre . Mais enfin, la confusion du discours ne rend pas ses réclamations illégitimes.
Juridiction totalitaire du bon-vouloir individuel
Pourquoi en effet tendre la main ne coûterait-il pas un bras ? Pourquoi ne pas concéder les conséquences quand on s’est accordé sur la prémisse ? Celle de la PMA pour toutes, c’est la juridiction totalitaire du bon-vouloir individuel. Peu importe que l’enfant soit privé d’un de ses progéniteurs biologiques, on ne refuse rien au désir d’enfant d’un enfant du désir. Refuser la PMA aux hommes transgenres disposant encore d’un utérus alors qu’on l’a accordée à la femme seule ou en couple lesbien revient à imposer au désir maniaco-législatif une restriction arbitraire d’application.
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Que l’on soit d’accord ou non avec la prémisse, il est donc intéressant de constater qu’au lieu de la réinterroger, le Conseil Constitutionnel se raccroche aux branches d’un positivisme juridique branché qu’adoucit l’évocation d’ « égalité ». Ce dernier consiste à nier l’irréductibilité d’une norme idéale qui fonderait autant qu’elle pourrait contester le droit positif. Répétons-le, ce traitement différentiel pour l’accès à la PMA se justifie en ce qu’il est attaché « non au sexe biologique, mais à l’état-civil ». Or accorder aux hommes transgenres l’accès à la PMA pour toutes reviendrait à reconnaître une nouvelle catégorie sexuelle à l’état civil : « masculin pour l’état-civil, et féminin pour l’accès à l’assistance médicale à la procréation ». Antoine Pavageau, représentant du gouvernement, explique que « la binarité est nécessaire à l’ordre social et juridique ». Certes, mais la binarité est celle de la loi plutôt que de la nature. Est Bien ce qui défend la loi car la loi défend ce qui est Bien. Lequel correspond à l’égalité. Mais de qui ? De moi comme identité civile, correspondant désormais au genre que je décide d’adopter plutôt qu’à mon sexe biologique.
Seule valeur démocratique qui résiste encore et toujours à l’envahisseur relativiste, l’égalité est le lumignon qui fume quand la fin des temps est proche. L’infraction au positivisme juridique, et son supplément d’âme. Mais cette égalité devient celle des identités juridiques : aux transgenres qui décident de ce qu’ils sont, la Loi surenchérit que de cette décision découlent leurs droits. Au décisionnisme subjectif répond le décisionnisme légal, bonnet blanc râle contre blanc bonnet.
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