La chercheuse et essayiste française Thérèse Delpech est décédée le 18 janvier à Paris, à l’âge de 63 ans. Avec elle disparaît un authentique penseur des relations internationales et des affaires stratégiques.
Après avoir poursuivi un parcours universitaire brillant – Normale Sup, agrégation de philosophie – elle avait occupé plusieurs postes administratifs de haut niveau, en particulier celui de directrice des affaires stratégiques au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Cette spécialiste reconnue des questions nucléaires était aussi appréciée pour son franc-parler et la profondeur de ses analyses. Ainsi l’avait-on sollicitée tant à gauche – au sein du cabinet Alain Savary, de 1981 à 1984 – qu’à droite, dans celui d’Alain Juppé entre 1995 et 1997. Et en 2007, le président Nicolas Sarkozy la faisait membre de la Commission du Livre blanc sur la Défense. Thérèse Delpech avait également participé aux travaux du Centre d’analyse et de prévision CAP, Quai d’Orsay), et siégé dans les années 1990 à la Commission des Nations unies sur le désarmement de l’Irak, ce qui lui conférait une vraie légitimité d’experte sur ces dossiers délicats.
Elle n’aura toutefois jamais cessé, outre ses activités de consultante, de poursuivre ses recherches universitaires, au Centre d’études des relations internationales de Sciences-Po (CERI), et, auparavant, à l’Institut international stratégique de Londres (IISS).
On a toujours connu Thérèse Delpech pleine d’énergie et de dynamisme ; c’était aussi une femme de conviction qui critiquait les tenants de la realpolitik et défendait les libertés et les Droits de l’homme. Admiratrice de la démocratie américaine, elle concevait ainsi comme absolument impérative la défense des régimes occidentaux, à la fois contre tous les types de terrorismes, les dictatures, ou l’autoritarisme russe. Ces dernières années, elle avait cherché à attirer l’attention sur les risques de prolifération nucléaire, en critiquant des Etats tels que le Pakistan, la Corée du nord et l’Iran. Ces positions – et plus encore son soutien à l’intervention de 2003 en Irak – l’avaient classé dès le début des années 2000 dans la tendance néoconservatrice alors en vogue aux Etats-Unis. Passionnée, évoluant dans un monde géopolitique quasi-exclusivement masculin, Thérèse Delpech était très présente dans les colloques internationaux et certains médias, elle écrivait de nombreux articles, notamment dans la revue Politique internationale. Elle aura surtout écrit plusieurs ouvrages de haute volée, parmi lesquels La Guerre parfaite (Flammarion, 1998), L’Ensauvagement : essai sur la barbarie au XXIè siècle (Grasset, 2005, Prix Fémina), Iran, la bombe et la démission des nations, (Autrement-CERI, 2006), ou encore, plus récemment, L’Appel de l’ombre: puissance de l’irrationnel (Grasset, 2010).
On pouvait contester certaines de ses prises de position, et, peut-être, la vigueur avec laquelle elle les exprimait parfois. Mais aucun observateur sérieux ne remettait en cause son intégrité et sa grande rigueur intellectuelle. Aussi avait-elle été profondément blessée d’être stigmatisée comme « intellectuel faussaire » dans un misérable pamphlet paru en 2011. Derrière un abord parfois strict et austère, cette femme extrêmement cultivée, fille de diplomate née dans une famille protestante, était en réalité pleine d’humour et de sensibilité. Elle manquera à la géopolitique française.
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