Si les prédateurs mâles font leur loi dans le showbiz, comment expliquer le triomphe aux derniers Emmy Awards de deux séries ultraféministes où les hommes ont toujours le mauvais rôle ?
André Malraux disait qu’il existe une télévision pour passer le temps et une autre pour comprendre le temps. Aujourd’hui, la télévision pour passer le temps nous aide également à comprendre le temps. La dernière cérémonie des Emmy Awards, l’équivalent des Oscars pour la télévision américaine, en est la preuve. Parmi les productions les plus primées figurent Big Little Lies et The Handmaid’s Tale (La Servante écarlate dans la version française), chacune récompensée de cinq statuettes dont celle de la meilleure série dramatique (La Servante écarlate), de la meilleure minisérie (Big Little Lies), de la meilleure actrice (Elisabeth Moss), du meilleur scénario, et cetera…
Bienvenue aux victimes du patriarcat et du machisme ambiant
À ceux qui auraient échappé au battage médiatique autour de l’événement, il convient d’expliquer en quoi il différait de l’habituel enthousiasme des médias pour ce genre de solennités : voilà qu’enfin les femmes occupent le podium ! Mieux : non seulement les deux séries mettent en avant des personnages féminins, impliquent les femmes dans la production (Elisabeth Moss a coproduit La Servante écarlate, alors que Nicole Kidman et Reese Witherspoon ont été à l’origine de la réalisation de Big Little Lies), mais surtout, nous dit-on, elles parlent de la condition des femmes d’aujourd’hui. Sur ce dernier point, la presse ne lésine pas. Tantôt les critiques applaudissent « la plongée intense et réaliste » au cœur de l’Amérique de nos jours dans Big Little Lies, tantôt ils multiplient les mises en garde contre l’avènement « terriblement probable » d’un monde orwellien au carré où les femmes seraient réduites en esclavage comme les héroïnes de La Servante écarlate. En outre, les deux productions imposent le nouveau paradigme de l’héroïsme au féminin. Oubliées, les Madame Bovary et les Mère Courage. Bienvenue aux victimes du patriarcat et du machisme ambiant, qui résistent, se révoltent, combattent et dénoncent. En effet, aussi éloignées soient-elles sur le plan thématique, dramaturgique et même esthétique, les deux séries ont un sujet commun, celui des violences faites aux femmes. Plus on passe du temps à les regarder, mieux on comprend notre temps où les dames s’encouragent mutuellement à « balancer leur porc », quand elles ne défilent pas déguisées en servantes écarlates dans les rues de Washington.
La Servante écarlate, tirée du roman
