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Mali : quand la guerre compense l’impuissance


Mali : quand la guerre compense l’impuissance

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« C’est le plus beau jour de ma vie politique » a déclaré samedi un François Hollande sans doute sincère, devant une foule de Maliens reconnaissants de l’action de la France. Dans le même temps, un consensus s’installait dans les médias : grâce à son rôle de chef de guerre, François Hollande « habite » enfin la fonction présidentielle et enfile pleinement son costume de chef d’Etat. Or, si bien mener une guerre a toujours contribué à renforcer la stature du chef, la crise du politique accentue ce phénomène et démontre à quel point nos institutions ont perdu prise sur le réel.

Car ce qui se passe aujourd’hui autour de la crise malienne – comme hier autour de la Libye –illustre la fascination des Français devant la pure action politique : le président décide,  donne des ordres, et la donne change sur le terrain, dans un laps de temps qui se mesure en heures, jours ou semaines. L’action militaire, il est vrai, ne porte pas toujours les fruits escomptés. L’adage veut qu’on sait comment commencer une guerre mais qu’il est plus difficile de savoir la finir. Mais la complexité et les incertitudes de l’usage de la force ne sont qu’un jeu d’enfant par rapport à l’action économique et sociale. Quand un chef d’Etat déclare la guerre au chômage, au déficit commercial, aux délocalisations ou à la fracture sociale, il s’attaque à des fléaux dont la complexité approche celle des phénomènes météorologiques. Dans un cadre aussi contraignant, son action se voit constamment entravée par les aléas d’une guerre d’usure sur laquelle il n’a finalement que peu d’influence. Sachant cela, on comprend mieux le bonheur qu’il y a à lancer avions et blindés contre des adversaires repérés sur des photos aériennes.

François Hollande est d’ailleurs le premier à reconnaître – au moins en privé – que la crise socio-économique actuelle, avec son cortège de pauvreté et de chômage, n’est pas la faute de la France, pays qui ne s’en sortira du reste pas par ses propres moyens. Nous sommes pris dans une tempête mondiale et quand le ciel s’éclaircira grâce à l’action des autres acteurs – principalement la Chine et les Etats-Unis – ou par simple effet cyclique, alors, par ricochet, cela ira mieux chez nous. Le malheureux chef d’Etat qui a eu la malchance d’occuper l’Elysée quand un tsunami économique s’abattait sur la France n’est pas plus responsable du désastre que son successeur, qui bénéficiera sans doute de la future embellie économique mondiale.

Ces trente  dernières années ont démontré que les attributs du pouvoir résistaient mieux à l’érosion que le pouvoir lui-même, malgré le cadre institutionnel stable de la Ve république. Mitterrand l’avait compris dès 1983, Chirac l’avait carrément théorisé au cours de ses deux mandats (1995-2007) : un président français ne peut pas faire grand-chose, hormis attendre que « cela passe » pour essayer de faire croire qu’il y est pour quelque chose. Sarkozy s’est révolté contre cette situation. Il a cru, naïvement, que Chirac était un président fainéant par goût et par choix. Il a appris à ses dépens que son prédécesseur était en fait plus lucide que lui.

Aujourd’hui, Hollande essaie de se montrer à la fois dupe et pas dupe de cette triste situation. Il sait qu’il ne peut pas faire grand-chose contre les effets de la crise mais il gagne du temps, manœuvre et louvoie pour préserver le plus grand secret de notre temps : le pouvoir est impuissant ! Voilà pourquoi une petite guerre excite tellement les foules, le kaki nous rappelant vaguement ce qu’était le pouvoir avant que ce dernier ait définitivement déserté la vie politique.

*Photo : Francois Hollande.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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