Il voulut être Mitterrand, il ne fut que Jospin. La formule pourrait résumer la conférence de presse de François Hollande. Ce dernier a en effet peiné à se hisser au rang d’un chef d’Etat. Les sujets ne manquaient pourtant pas en cette rentrée 2015. François Hollande les a esquivés en s’accrochant lourdement aux questions internationales.
Surfant sur la vague des migrants (sans mauvais jeu de mots), Hollande a annoncé l’accueil par la France de « 24 000 réfugiés » en deux ans. Le chiffre prête à sourire. On imagine en effet les conseillers du président se creusant les méninges afin de trouver le nombre pouvant contenter les partisans de l’accueil sans fâcher ceux qui craignent un appel d’air. Après l’affaire Leonarda qui avait mécontenté tout le monde, il n’était pas question de récidiver. À lire les réactions au lendemain de la conférence, les conseillers du président ont visé juste. La plupart des commentateurs ont salué cette décision qui ne règle pourtant rien à l’affaire. Si le flux ne se tarit pas, que fera le président ? Qu’importe ! Dans deux ans, soit il ne sera plus président, soit il ne sera plus tenu par les promesses de son premier mandat.
Hollande a également annoncé des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie dans le but d’étendre à ce pays les frappes aériennes contre les positions de Daech. Hormis son volte-face sur ce sujet relevé par quelques-uns, les commentateurs ont pour la plupart salué cette décision. Pourtant, ces frappes, si elles ont lieu, n’auront probablement pas d’effet sur le cours du conflit. Il n’est en effet pas question d’engager des forces supplémentaires dans la bataille. Les frappes seront donc réalisées par le contingent français engagé en Irak, contre le même ennemi, ce qui revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul. En outre, en Syrie, le travail est déjà largement effectué par les Etats-Unis. Il y a fort à parier que le rôle de la France sera réduit à la portion congrue : quelques frappes en échange d’un certificat de lutte contre le djihadisme. Avant Hollande, la Turquie avait déjà exploité le filon : quatre frappes visant des entrepôts désaffectés contre un certificat de lutte contre le terrorisme. Décidément, le niveau baisse.
Et concrètement, sur le plan intérieur ? Rien. Les terroristes peuvent dormir tranquille. Manuel Valls ne rate d’ailleurs pas une occasion de le rappeler : il faudra s’habituer au terrorisme. On se rappelle qu’en réponse à la tentative d’attentat dans le Thalys, Bernard Cazeneuve proposait de généraliser les billets nominatifs pour l’accès aux trains. Une simple mesure de lutte contre la fraude face à la menace terroriste.
Finalement, ce qu’on retiendra de cette conférence, c’est la jospinisation de François Hollande. Plus encore qu’en 2002, les Français sont sensibles aux problématiques de la sécurité et de l’immigration. Mais Hollande ne voit et n’entend rien. À ce sujet, on avait parlé de la « naïveté » de Jospin, on pourrait parler de l’irresponsabilité de Hollande.
François Hollande marche désormais sur les pas de Lionel Jospin. En 1999, celui-ci avait profité d’une conjoncture exceptionnellement favorable grâce à l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Au lieu de réduire la dette publique gonflée par des années de traitement social du chômage, le Premier ministre avait diminué les impôts contre toute logique économique[1. Pour la théorie économique, la dépense publique joue un rôle contra-cyclique. Elle augmente en période de récession et baisse en période de croissance.] : baisse de la TVA et des deux premières tranches de l’impôt sur le revenu en 2000, création de la prime pour l’emploi en 2001. En 2002, la claque sera terrible : en dépit des cadeaux fiscaux, Lionel Jospin est éliminé dès le premier tour des élections présidentielles. On lui reprochera d’avoir négligé les dossiers sécuritaires.
En 2015, pour la première fois depuis longtemps, de nombreux indicateurs économiques sont au vert : cours exceptionnellement bas du pétrole, taux de change de l’euro favorable, spirale déflationniste maîtrisée. Tous les prévisionnistes s’accordent sur ce point : on entre dans un cycle de croissance en raison d’une conjoncture internationale favorable, à moins que la crise chinoise ne vienne doucher les espoirs. Lors de la conférence, Hollande s’est voulu rassurant en affirmant que « la croissance chinoise, même si elle continue de ralentir, reste à un niveau particulièrement enviable ». Si la conjoncture s’inverse et que le chômage baisse, il pourra mettre les bons résultats économiques au crédit de sa politique. Du coup, le président se met à rêver d’une réélection en 2017. Et pour préparer les échéances, rien de mieux qu’un petit cadeau fiscal en cette rentrée 2015: une baisse d’impôt pour « plus de 8 millions de foyers ». Une baisse des impôts contre le suffrage des électeurs, Jospin avait tenté le coup en 2002 avec le succès qu’on connaît. On peut acheter les électeurs, mais il est plus difficile de se payer leur tête.
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21674718_000002.
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