On peut raisonnablement parier que la « grande conférence de presse » version François Hollande aura une longévité supérieure à ce même exercice sous Nicolas Sarkozy, modèle unique inscrit dans les mémoires sous la rubrique « avec Carla, c’est du sérieux ! ».
Attendu au tournant par la meute journalistique qui s’était délectée, durant l’été et le début de l’automne, à pratiquer le « Hollande bashing » de droite ou de gauche, le président de la République s’est, de l’avis général, assez bien tiré de cette redoutable épreuve, où le locataire de l’Elysée doit éviter deux écueils : croire que l’esprit des lieux vous confère automatiquement le charisme d’un de Gaulle, ou l’habileté rhétorique d’un Mitterrand, ou penser que l’on peut se comporter dans le grand salon de l’Elysée de la même manière qu’au Fouquet’s.
C’est dans sa nature, François Hollande a préféré rechercher une voie médiane, une altitude inférieure à celle des aigles, mais plus surplombante que le rez-de-chaussée de la basse-cour politique et médiatique. Il a donc adopté la posture du prof, pas celle du « pédago » qui s’efforce d’inciter son auditoire à « construire son savoir », mais celle du bon prof d’hypokhâgne de province initiant les jeunes fraîchement émoulus d’un bac dévalorisé au raisonnement en trois parties (au lieu du modèle binaire de Sciences Po), et essayant de tempérer la gravité de son propos par des clins d’œil souriants à la méthode gaullienne consistant à répondre à des questions qui ne lui ont pas été posées.
Les quelques trois cent cinquante journalistes présents ont été mis dans la position d’élèves prêts à chahuter dès le début du cours, mais qui s’aperçoivent bientôt que le prof n’est pas du genre à se laisser faire, et cela d’autant plus qu’on ne saurait le prendre en défaut sur sa connaissance des dossiers. Contrairement à Sarkozy, qui entretenait avec les journalistes une relation passionnelle, Hollande donne l’impression, mais peut-être n’est ce qu’une feinte, que ces gens là sont des hommes et des femmes ordinaires, donc susceptibles de s’améliorer. Aucun, d’ailleurs, ne lui a posé de question vraiment gênante, même pas Alain Barluet, du Figaro qui lui a demandé bien poliment où il en était avec l’Allemagne…
Où étaient les fédéralistes qui clament à longueur d’éditoriaux que Hollande ne va pas assez loin dans l’intégration européenne ? Pourtant là, le discours du président était loin d’être limpide : cette union politique qu’il appelle de ses vœux se fera-t-elle selon le modèle intergouvernemental, ou bien déléguera-t-on des pans entiers de souveraineté à des institutions communautaires ? On en saura peut-être plus dans six mois, à la prochaine séance de l’Université Populaire de l’Elysée.
Où étaient les partisans de l’exploitation du gaz de schiste, qui viennent de recevoir le soutien de Louis Gallois et Michel Rocard ? La presse serait-elle entièrement hostile à ce que leur idole Obama met en œuvre avec détermination ?
Il a fallu attendre qu’un confrère étranger, Steve Erlanger du New York Times, mette, dans son français du Harris Bar après quelques tournées, le doigt sur la vraie question du jour : les divergences entre Hollande et Merkel sur l’urgence à débloquer les fonds promis à la Grèce par l’UE et le FMI…
Peut être qu’à la fin du quinquennat les étudiants de l’UP du Faubourg Saint Honoré auront suffisamment progressé pour que la phase des questions de la salle soit aussi intéressante que celle de l’exposé liminaire.
*Photo : François Hollande.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !