François Hollande a décidé, en (mauvais) élève de François Mitterrand d’agiter, une fois de plus, le chiffon rouge du droit de vote des étrangers aux élections locales. Pourtant, lors du débat de l’entre-deux-tours, il avait expliqué que, puisqu’il n’y aurait certainement pas de majorité pour voter cette réforme constitutionnelle, la proposition n°50 de son projet ne connaîtrait pas un début d’application. Mais voilà, le retour sur la scène politique de Nicolas Sarkozy lui a rendu de l’optimisme. Et il espère aujourd’hui réussir un exploit à la sauce corrézienne : gagner l’élection présidentielle face à un membre de la famille Le Pen alors qu’on était au fond du trou quelques mois auparavant. La tactique est simple : entre l’extrême droite et moi, il ne doit rien y avoir. Il faut alors mettre l’UMP dans une position difficile sur un sujet clivant, obligeant cette dernière à choisir soit le camp de Marine Le Pen, soit celui du Progrès.
Lundi, lors de son discours d’inauguration du musée de l’immigration, il a donc lancé un défi en forme de piège à l’UMP. Cette réforme, explique-t-il, doit recueillir l’approbation des deux chambres, dont le Sénat qui penche aujourd’hui à droite, puis la majorité des trois cinquièmes du Parlement réunis en Congrès. Il ajouté, avec une perfidie non dissimulée et satisfaite, qu’il reviendrait alors à l’opposition de « prendre ses responsabilités ». Habile, peut-être, mais un peu oublieux de ses cours de droit public, le Président a omis l’article 89 consacré aux révisions constitutionnelles. En effet, après l’approbation des deux chambres, la constitution prévoit une première voie, celle du référendum. Un alinéa suivant permet l’adoption par la voie du Congrès, si la première n’est pas choisie par le Président. Une proposition de loi constitutionnelle qui prévoit cette réforme du droit de vote a déjà été adoptée par le Sénat, alors majoritairement à gauche, en 2011. Il suffit donc que le Président fasse voter par sa majorité à l’Assemblée nationale le même texte approuvé par le Sénat et il ne resterait plus que la seconde étape.
Que doivent donc faire l’UMP et l’UDI pour se sortir du piège que leur tend François Hollande ? Invoquer la Constitution, tout simplement. Retourner le piège ! Et s’adresser à François Hollande en ces termes : « Puisque cette réforme vous est chère, et que vous craignez de ne pas obtenir de nous la majorité qualifiée nécessaire, pourquoi ne provoquez-vous pas un référendum ? Craignez-vous de ne pas connaître davantage le succès lors d’une consultation populaire ? Sinon, pourquoi s’en priver ? Si oui, n’attendez pas de nous que nous validions une réforme dont vous-même pensez qu’elle n’a pas l’agrément de notre peuple ».
L’opposition, sans même à avoir à se prononcer sur le fond du projet, retournerait le piège contre François Hollande. Cette manœuvre grossière apparaîtrait alors que pour ce qu’elle est, la maladresse d’un habile, qui instrumentalise les étrangers vivant sur notre sol dont il se fiche bien, à des fins tactiques dérisoires.
*Photo : DELAGE JEAN-MICHEL/SIPA. 00526005_000009.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !