Avec François Hollande, on n’est jamais déçu. On a beau se torturer les méninges, il est le plus fort pour imaginer la solution la plus tordue pour se sortir d’une situation politique embarrassante. Il avait pourtant toutes les cartes en mains pour montrer, enfin, qu’il assumait sans faillir la mission que le peuple lui a confiée en mai 2012 : être le garant de l’ordre républicain, et de la stricte application des lois votées par la représentation nationale.
En dépit du tapage médiatique, et de la montée en décibels du braillomètre (copyright Cyril Bennasar) des professionnels de l’indignation compassionnelle, il pouvait se montrer, pour une fois, politiquement capable de prendre une décision nette et claire, qui aurait fini par se révéler la seule adéquate : confirmer l’expulsion vers le Kosovo d’une famille de Roms dont la mauvaise foi, l’usage astucieux de toutes les failles de la loi française, et la manipulation des médias avaient fini par exaspérer tous ceux, même bienveillants, qui les connaissaient bien. Les associations de soutiens aux Roms et aux sans papiers, en Franche-Comté, comme en Italie, avaient jeté l’éponge. Cette famille, principalement son chef, le père, était devenue ingérable, même pour ces militants dont la patience et l’indulgence pour les incivilités de leurs protégés est réputée proverbiale.
La présence, non prévue au départ, de Leonarda à une activité extra-scolaire organisée par son collège le jour où toute la famille était sommée de quitter le territoire français, par avion et aux frais de la République n’a été que la dernière manœuvre, tentée et réussie pour mettre en échec la loi et le droit.
Leur dossier était tellement mauvais (usage de faux, mensonges avérés sur le lieu de naissance des enfants, refus du père d’occuper les emplois qui lui étaient proposés, violences intra-familiales signalées, fréquentation scolaire a éclipse des enfants), qu’aucun fonctionnaire humaniste de bonne foi n’a pu favoriser leur acceptation « à l’ancienneté » sur le territoire français.
En proposant le retour de la seule Leonarda (alors que cette dernière n’avait jamais manifesté son souhait d’une telle solution), Hollande réussit l’exploit de provoquer l’indignation simultanée des partisans de l’ouverture totale de nos frontières à « toute la misère du monde » – et ajoutons à tous les escrocs à la demande d’asile – et celle des pères et mères de famille choqués de par une sorte de rapt pourvu du sceau présidentiel.
Mais il y a plus grave : une erreur d’analyse politique qui voyait, à tort, monter dans le « peuple de gauche » une vague de protestation conduisant à des manifs de rue incontrôlables par le pouvoir. Les Français n’aiment pas, certes, que l’on procède en leur nom à des expulsions musclées de déshérités venus en douce picorer quelques miettes de la manne de notre Etat-providence. Mais ils aiment encore moins que l’on se moque d’eux d’une manière aussi grossière que la famille en question. Quel respect peuvent-ils encore éprouver pour un président qui se laisse ainsi manipuler par des gens sans scrupules, et des apparatchiks lycéens profitant de la disponibilité de leurs petits camarades à semer le souk à la veille des vacances scolaires ?
Même Harlem Désir se permet de prendre ses distances avec la parole présidentielle ! Et Valérie Trierweiler de donner son sentiment avant que son compagnon n’ait parlé. Cette affaire marque le tournant, catastrophique, d’un quinquennat déjà bien mal en point.
*Photo : SIPA/SIPA. 00667681_000002.
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