Samedi, nous serons le 1er novembre, date de l’entrée en fonction de la Commission Juncker à Bruxelles. Parmi les commissaires, un certain Pierre Moscovici, candidat controversé du gouvernement français et préféré à Elisabeth Guigou par François Hollande. D’une certaine manière, l’ex-ministre des finances est fait pour le boulot. Cet archétype du technocrate devait en rêver gamin. Mais, en attendant, il ne déteste pas participer aux magouilles politiciennes les plus crasses. Qu’on en juge. Lors de son départ du gouvernement, le député qu’il redevenait s’était vu confier le 5 mai 2014 une mission « sur la contribution des politiques européennes à la croissance et à l’emploi ainsi que sur la manière dont les agents économiques peuvent s’approprier ces politiques ». La manœuvre était claire. Cette mission, si elle se poursuivait au-delà de six mois, permettait à son suppléant de prendre sa place au Palais-Bourbon et évitait ainsi la tenue d’une élection partielle dans la quatrième circonscription du Doubs. À l’époque, François Hollande pensait déjà à lui, même s’il hésitait encore avec Guigou, pour intégrer la Commission, laquelle devait entrer en fonction un peu plus tard que le 1er novembre. Ainsi, la mission renouvelée au-delà du 5 novembre, Pierre Moscovici n’avait plus besoin de démissionner de son mandat de député. Le problème c’est que la Commission entre en fonction samedi et qu’en bonne logique, le nouveau commissaire doit donc présenter sa démission de l’Assemblée nationale.
Sauf que le gouvernement ne l’entend visiblement pas de cette oreille. Il veut éviter une élection partielle que le PS a toutes les chances de perdre –au profit du FN ou de l’UMP. Si c’était le cas, le PS n’aurait plus 289 mais 288 sièges. Il n’aurait plus de majorité absolue à lui seul au Palais-Bourbon. Trois fois, des confrères ont interrogé Pierre Moscovici à ce sujet. Le 23 octobre sur France Info, dimanche au Grand Jury RTL-Le Figaro puis mardi midi sur Europe 1. La première fois, il a expliqué qu’« il y [avait] des éclaircissements juridiques à apporter à cette question [qu’il n’était] pas en mesure [lui-même] de préciser ici ce matin ». La seconde, il ne savait pas, il n’avait aucune certitude sur le fait de savoir s’il y aurait une élection ou pas. Même refrain la troisième fois. En revanche, de notre côté, il y a une véritable certitude. Pierre Moscovici se moque du monde. Comment peut-il expliquer sur toutes les ondes qu’il ne sait pas à quelle date sa propre démission sera effective ? Comment peut-il laisser croire qu’un doute juridique subsiste à propos de son obligation de démissionner ?
Ce qui se passe en coulisses, c’est donc une tentative de report de l’entrée en fonction d’un commissaire européen afin d’éviter la tenue d’une élection législative partielle dans un pays membre. Le gouvernement français ne négocie pas seulement son budget avec la Commission européenne, il mendie aussi une dérogation pour l’entrée en fonction de Pierre Moscovici. Ceci porte un nom : cela s’appelle une magouille. Une magouille pour éviter au parti au pouvoir d’affronter le suffrage universel. En d’autres temps, le scandale aurait été retentissant. On parlerait d’une « affaire Moscovici ». Peut-être la Commission européenne se résoudra-t-elle finalement à expliquer au gouvernement français qu’elle n’est pas là pour permettre aux gouvernements nationaux de contourner leurs propres constitutions ? Peut-être expliquera-t-elle qu’elle n’a pas à interférer dans les affaires intérieures d’un Etat, même sur la prière expresse dudit Etat ? Quoi ? J’ai dit une connerie ?
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