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Hollande, du Bourget à la Bérézina


Hollande, du Bourget à la Bérézina

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On relit Guerre et Paix pour échapper à l’actualité. On se dit que rien ne vaut un de ces romans universels pour être ailleurs, enfin. L’affrontement titanesque entre Napoléon et la Russie, revu par un Tolstoï visionnaire et précis, devrait normalement nous emmener très loin. En suivant Pierre et Natacha, le prince André et le comte Rostov, Napoléon et Koutouzov, on s’évadera à mille lieues du confusionnisme idéologique des bonnets rouges, des sifflets au passage du cortège présidentiel du 11-Novembre, des insultes racistes contre Christiane Taubira et de l’impuissance si manifeste de François Hollande.

Évidemment, on se trompe. Notamment sur ce dernier point : « Il ne pouvait arrêter ce qui se passait devant lui et autour de lui et qui était censé être dirigé par lui, dépendre de lui, et pour la première fois, par suite de l’échec, cette affaire lui parut inutile et horrible. »[access capability= »lire_inedits »]

Dans les chapitres XXVIII à XXXIX du troisième volume de son monument total, Tolstoï s’arrête ainsi sur les sentiments de Napoléon face à la débâcle programmée de sa campagne de Russie. Il peint l’Empereur en proie à une étrange acédie, à un sentiment d’aquoibonisme historique qui le met hors d’un jeu qu’il a pourtant lui-même initié : « Dans ses précédentes batailles, il n’envisageait que les hasards heureux, tandis que maintenant une foule de hasards malheureux se présentaient à lui et il les attendait tous. Oui, c’était comme en rêve : on voit un malfaiteur vous attaquer, on lève le bras pour lui porter le coup terrible qui, on le sait, doit l’anéantir, on sent son bras, sans force et mou, retomber comme un chiffon.»

Cette petite musique affreuse de l’impuissance qui saisit un homme en théorie au faîte de son pouvoir, c’est pourtant celle que fait aujourd’hui entendre un François Hollande tombé à 20 % dans les sondages. Napoléon en 1812 et François Hollande en 2013, aussi surprenant que cela puisse paraître, ont la même psychologie. Longtemps, tout leur a réussi, chacun à son échelle. Ils n’ont envisagé que des « hasards heureux » pour reprendre les termes de Tolstoï. Il y eut Austerlitz pour l’un et la victoire à la primaire socialiste pour l’autre ! Et puis, la chance fuit, l’énergie manque sans que l’on sache trop pourquoi.

On regarde François Hollande, et on lit encore dans Guerre et Paix, un peu plus loin : « Il attendait avec une angoisse douloureuse la fin de cette affaire à laquelle il croyait participer mais qu’il ne pouvait arrêter. » On ne saurait mieux dire.[/access]

*Photo : REX/Alon Skuy/Gallo Ima/REX/SIPA. REX40311099_000004.

Décembre 2013 #8

Article extrait du Magazine Causeur



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