Dans la campagne des primaires socialistes, François Hollande a trouvé son créneau : il sera le « socialiste responsable », s’alignant sur les objectifs les plus ambitieux de réduction du déficit, également favorable à une plus grande intégration européenne.
Les marchés contre le peuple
On peut se demander à quel point de dégénérescence mentale peut arriver un responsable « socialiste » pour prendre de telles positions. L’ancien Premier Secrétaire du PS ne cherche pourtant pas l’absolution d’un parti libéral professant sa foi absolue dans le marché, mais bien l’investiture « socialiste ». Or, le député de Corrèze veut tellement faire la course au centre qu’il finit par dépasser DSK sur sa droite. Un comble !
Il n’hésite pas à contredire le programme socialiste en avançant d’un an l’objectif du retour à un déficit de 3% du PIB et s’aligne ainsi sur les objectifs peu réalistes du gouvernement. Certes, certains aspects de son projet de grande réforme fiscale, partiellement inspiré par les propositions de Thomas Piketty et Camille Landais, sont intéressants. Il n’empêche : qu’un dirigeant « socialiste » privilégie la réduction des déficits sur la lutte contre le chômage reste incompréhensible.
En fait, tout cela n’est pas très surprenant. En refusant d’imiter les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui injectent des liquidités sur les marchés financiers, François Hollande se fait le digne représentant de la « grande purge libérale » du PS si bien décrite par le blogueur Yann.
On aurait pu croire Martine Aubry plus originale que son prédécesseur. Mais le choix du social-libéral Daniel Cohen comme conseiller économique démontre que l’actuelle première secrétaire ne sera pas plus ouverte que l’ancien aux idées économiques hétérodoxes.
L’Europe ? Irresponsable
Non content de se couler dans le moule de la plus stricte orthodoxie budgétaire, François Hollande prétend vouloir « sauver la zone euro ». A ce titre, il pourfend les atermoiements des dirigeants européens. Pour contrer leur prétendu immobilisme, il propose même d’approfondir l’intégration dans l’Union Européenne, en fusionnant le poste de président du Conseil avec celui de président de la Commission.
Last but not least, Hollande souhaite mettre en place des euro obligations dans un système de « fédéralisme budgétaire et fiscal ». Adieu la souveraineté, dont le premier fondement consiste à voter le budget suivant l’intérêt général déterminé par le peuple, seul décideur légitime en démocratie.
En plus de mettre notre budget sous tutelle européenne, le possible futur candidat du PS entend ainsi développer le mécanisme irresponsable des obligations européennes, qui consiste à égaliser les conditions de crédit à l’intérieur de la zone euro. De cette manière, les Etats les moins bien évalués bénéficient des mêmes conditions d’emprunt obligataire que les pays les mieux notés. Ceci conduit ni plus ni moins à pénaliser les élèves les plus sérieux de la zone tout en favorisant les Etats les moins regardants vis-à-vis de l’argent public. Une prime au vice !
Croire que ce faux mécanisme d’entraide résoudra la crise de l’euro relève du raisonnement par l’absurde. En effet, on reproduit là l’attitude irresponsable des marchés lors de la création de l’euro, qui a abouti à l’actuelle crise des dettes souveraines. Heureusement, l’Allemagne freine des quatre fers la fédéralisation des politiques budgétaires et fiscales. N’en déplaise à Hollande, Berlin sait encore ce que démocratie et souveraineté veulent dire !
En fin de compte, si François Hollande est peut-être aujourd’hui le représentant le plus crédible du PS, c’est qu’il incarne mieux que quiconque sa dérive antisociale et démocratique. Sous couvert d’européisme, sa victoire aux primaires de la gauche confirmerait la mainmise des partisans du « laisser-faire » libéral sur un Parti « Socialiste » dont il n’y a plus rien à espérer.
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