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Hollande 2022, le changement c’est demain

L'hypothèse d'un retour du président déchu a germé cet été


Hollande 2022, le changement c’est demain
Affiche de candidature de François Hollande à la présidentielle 2012. SIPA. 00635432_000017

Ce n’est pas une blague, mais elle est drôle quand même. L’hypothèse d’un retour de François Hollande, le président déchu, a montré le bout de son nez. Le changement c’est demain, plus que quatre ans à tenir…


S’il est une chose que l’on peut porter au crédit de François Hollande, c’est bien qu’il ne craint pas le ridicule. Il l’a prouvé avec opiniâtreté en de nombreuses circonstances et en poursuit sans relâche la démonstration.

Et pourtant, pourtant…

L’ancien président qui peut se vanter d’avoir connu les cotes de popularité les plus basses de toute la Ve République et dont les Français se demandaient chaque mois comment il était possible de tomber encore plus bas, sauf à obtenir des scores négatifs et à rejoindre ainsi le centre de la terre à force de creuser, celui qui n’avait pas eu peur de s’humilier et d’humilier les Français dans l’affaire Léonarda, qui s’est rué bille en tête au chevet de Théo  – mais pas de Marin – sans attendre les résultats d’aucune enquête, qui faisait les unes de la presse à scandale avec son casque de scooter, ses croissants et ses aventures improbables tout en assistant impuissant à la plus grande série d’attaques terroristes sur le territoire national en raison d’un islamisme à peine nommé du bout des lèvres, qui s’est auto-paralysé sur la déchéance de nationalité, l’homme bavard qui murmurait à l’oreille des journalistes des choses qu’un président ne devrait pas dire, ce responsable dont l’impopularité était telle en fin de mandat qu’il ne put pas même se représenter pour en briguer un second, conscient tout de même et en dépit de cette grotesque obstination du personnel politique français qu’il allait sinon droit dans le mur, celui qui s’est fait doubler par son fringuant poulain sans même avoir rien vu venir à force de béatitude, cette figure nationale de la « lose » sur qui même les cieux faisaient s’abattre des pleins baquets d’eau à chaque discours en plein air, celui-là même donc semble envisager sans la moindre honte l’hypothèse d’un retour aux commandes en 2022.

Un best seller… comme Sarko

Enfin, les choses ne sont pas assumées de manière aussi catégorique mais les signaux sont clairs, envoyés par l’entourage et quelques soutiens positifs ou déçus du macronisme, tel le groupe de réflexion Inventons demain (ID) manifestement surtout occupé à réinventer hier et qui a diffusé cet été un tract de test « Hollande 2022 » digne d’un mauvais remake de Retour vers le futur à des badauds innocents d’Ile de France, d’Auvergne et des Bouches du Rhône qui partaient faire leur marché avec insouciance sans savoir ce qui les guettait.

Car tout le monde, loin s’en faut, ne partage pas l’enthousiasme benoît de sa compagne Julie Gayet qui croit percevoir auprès des Français une « attente », un « espoir de retour de François Hollande », confondant très vraisemblablement son eros personnel avec les souhaits politiques des sans-dents croisés de-ci delà durant l’inlassable tournée des librairies visant à assurer l’autopromotion du livre Les leçons du pouvoir de son héros.

Le succès de librairie est incontestable, comme le fut d’ailleurs celui de Nicolas Sarkozy avec son ouvrage La France pour la vie en 2016 qui s’était vendu à plus de 100 000 exemplaires en moins de 15 jours et qui fut suivi du naufrage que l’on sait aux primaires de 2017 : autant dire que corréler un chiffre de ventes avec un projet politique est quelque peu hasardeux. Les Français ont toujours aimé ce type d’écrits politiques, à mi-chemin entre l’analyse, le potin et la confidence qui leur donnent l’impression de pénétrer dans les arcanes du pouvoir, déclinaison des Mémoires de Saint-Simon à usage des supermarchés, tout comme ils ont le goût sentimental des perdants, l’amour des Poulidor. Ils n’aiment jamais tant le pouvoir que lorsqu’il est déchu.

Bilan d’incompétence

Que François Hollande ait éprouvé le besoin d’assurer l’autopromotion de son bilan peut parfaitement se concevoir, étant entendu que personne n’allait visiblement le faire à sa place, pas davantage celui qu’il considère comme son traître successeur, que le Parti socialiste réduit en charpie après son passage à l’Elysée avec le score de 6,3 %, le plus bas de toute son histoire et qui ne lui dit pas merci.

Un Parti socialiste d’ailleurs bien embarrassé par cet encombrant ex-président et sa poignée de soutiens qui ne semblent pas disposés à le laisser tenter de se recomposer en paix, sous la houlette d’un Olivier Faure dont on n’envie pas la mission quasi impossible. François Hollande ne s’est certes pas imposé au modeste séminaire de rentrée de La Rochelle – fini le temps des célèbres universités d’été du PS qui emplissaient la ville d’une mondaine effervescence -, mais il est là, dans toutes les têtes, tel le sparadrap du capitaine Haddock ou le copain boulet dont on ne peut pas se défaire en soirée. Et d’autant plus présent que les médias n’ont cessé de gonfler son image à l’hélium depuis le lancement du livre en avril, avides de petites blagues et autres bons mots faciles pour émissions divertissantes d’infotainment, pas mécontents aussi de se rappeler ainsi au bon souvenir d’un Emmanuel Macron particulièrement distant avec eux.

Veni, vidi, pas vici

Sur le plan politique, pourtant, on n’est pas loin du niveau de la mer. Le président déchu ne semble pas disposé à en tirer beaucoup, lui, de réelles « leçons du pouvoir », même s’il se plait à en donner, distillant démagogiquement quelques plaisanteries sur le « président des très riches » ou sur les enseignements d’une Coupe du Monde dont il souligne avec lourdeur qu’elle prouve qu’ « on peut gagner deux fois » (certes, mais avec une équipe entièrement remaniée et avec cinq défaites entre temps…). Car François Hollande, outre qu’en guise d’inventaire de son bilan il s’adresse un satisfecit à peine entaché de quelques regrets (dont celui peu glorieux de s’être laissé berner), souffre du mal caractéristique des gouvernants socialistes depuis plusieurs décennies : celui de croire que si le peuple les rejette, ce n’est pas en raison d’un rejet de leur politique réelle mais parce qu’ « ils ne nous ont pas compris », « nous nous sommes mal expliqués » : défaut de pédagogie donc, avoué comme la seule faute politique d’un personnel politique qui ne peut pas admettre une seule seconde s’être en réalité trompé sur sa politique effective. Dans la droite ligne de Lionel Jospin et de tant d’autres, l’ancien locataire de l’Elysée pense donc qu’on ne l’a pas compris, que le peuple ingrat n’a pas vraiment su voir son bilan réel. Pourtant, le peuple a très bien vu. Le peuple de gauche a très bien vu la loi Travail et l’a longuement et bruyamment exprimé dans les rues ; le peuple de droite a très bien vu le traitement des attentats ou encore la crise migratoire et l’absence de réelle fermeté face à l’islamisme en dehors des coups de menton et des hommages aux bougies ; et l’ensemble du peuple de tous bords a très bien vu que les chiffres du chômage étaient manipulés par l’afflux d’emplois aidés et par des méthodes de comptage fallacieuses.

Après lui le Déluge

Dans pareil contexte, élaborer un discours clair et un projet politique cohérent est particulièrement compliqué pour le PS, qui tel le Phénix tente de resurgir de ses cendres. En raison, certes, du champ de ruines laissé après le calamiteux quinquennat Hollande qui risque d’avoir beaucoup de mal à se poser comme figure d’homme providentiel (n’est pas De Gaulle ou Bonaparte qui veut), mais aussi parce que, dans le fond, le PS ne s’est jamais véritablement remis du tournant austéritaire de 1983 et de la course en avant européenne. Les enjeux du débat qui secoue l’ancien parti de la rue de Solférino sont une nouvelle fois de concilier le serpent de mer mythique qu’est la construction d’une Europe sociale – dont, tel le monstre du Loch Ness, tout le monde parle régulièrement sans en avoir jamais vu la couleur – et les impératifs de la social-démocratie avec l’ouverture néo-libérale impliquée par la structure économique bruxelloise sous domination allemande. C’est donc non seulement un serpent de mer mais qui, en outre, se mord la queue. Que le PS se rassure, les tiraillements induits à droite par la contradiction naturelle entre le souverainisme et les conditions du libéralisme sont tout aussi fortes, tout aussi ravageuses et loin d’être résolues.

C’est dans cet espace politique impossible que s’est opportunément glissé le projet macronien, sans s’embarrasser de questions sociales d’une part ni de questions souverainistes ou identitaires d’autre part. C’est encore dans cet espace politique que les discours d’une gauche intransigeante et d’une droite dure prennent tout leur sens et leur légitimité.

On imagine mal que le PS parvienne à remobiliser dans pareil paysage, en dehors de la réaction de survie de certains élus locaux, pris entre le marteau macronien et l’enclume mélenchonienne, et sûrement pas avec l’un des artisans de son déclin lequel a fait la preuve de son inefficacité dans tous les domaines à l’exception notoire du spectacle comique.

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Chroniqueuse et essayiste. Auteur de "Liberté d'inexpression, des formes contemporaines de la censure", aux éditions de l'Artilleur, septembre 2020.

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