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Hitler au Top 50 ?


Hitler au Top 50 ?

Lors des concerts de sa tournée mondiale, Madonna a choisi de participer, avec ses mots à elle, à la présidentielle américaine. Sur l’écran géant qui surplombe la scène, on voit défiler d’une part une série d’images de John McCain suivi d’Hitler et Mugabe et d’autre part, Obama accompagné de ses colistiers putatifs Gandhi et Lennon. Comme on n’ose pas croire que Madonna soit hitlérienne, on en déduit qu’elle est plutôt démocrate, et que sa démonstration historique et politique assimile grosso modo McCain à l’Empire du Mal et Obama au Camp du Bien. Très critiquée aux USA – et pas seulement à droite – pour ses subtiles tentatives d’amalgame, Madonna a contre-attaqué en annonçant qu’elle allait transformer ce qui n’était qu’un gimmick de scène en œuvre d’art à part entière, un vidéoclip donc, qu’elle vient de mettre elle-même en ligne sur Youtube.

On aurait tort de moquer la niaiserie du propos : il n’est ni plus ni moins débile que la plupart des spots télévisés en faveur des deux candidats. J’ai beau être féru de culture américaine (y compris en matière d’élégance masculine, de séries TV ou de gastronomie), je leur laisse sans regret leur propagande politique (et aussi leur pseudo Rn’B contemporain, mais c’est une autre histoire). Si l’argumentation électorale US n’était pas tombée si bas, McCain, qui en a quand même vu d’autres chez les Viets, aurait pu se contenter de ricaner. Au lieu de quoi il fonce tête baissée dans le panneau publicitaire d’une chanteuse passée de mode et laisse son staff multiplier les communiqués indignés, un peu à la manière d’Obama dans l’instructive affaire des caricatures du New Yorker.

On aurait tort aussi de s’indigner du caractère discrètement révisionniste de l’équation posée par Madonna. Tout d’abord, elle est loin d’avoir le monopole de ce genre de conneries : Badiou les professe tous les jours à Normale Sup’, il en a même fait un best seller. On pourra certes regretter que l’équation Hitler=McCain de Madonna entraîne quelques millions d’adolescents à penser que les agissements des GI’s en Irak, c’est un peu comme les trucs de la deuxième guerre mondiale. Sauf que le mal n’est pas bien grand, vu qu’ils l’auront oublié avant même la fin du clip.

On aurait tort enfin de penser que la référence à Gandhi était la mieux choisie pour faire pendant à Hitler. Madonna (et je crains qu’elle ne soit pas la seule dans ce cas-là) semble manifestement promouvoir une vision strictement duale de l’univers qui nous entoure : gentils/méchants, démocrates/républicains, nazis/antinazis, cool/pas cool. Eh bien, dans cette binarisation du réel, Gandhi n’a pas sa place. Figurez-vous que le Mahatma a écrit à deux reprises au Führer. Dans sa première lettre, fin 1938, il a tenté de le convaincre des vertus de la non-violence – en vain, nous dit-on… La seconde lettre de Gandhi à Hitler est plus gênante. Ecrite en plein conflit, le 24 décembre 1940, on peut y lire ces quelques lignes qui ont dû échapper à la vigilance de Madonna : « Nous ne doutons pas de votre courage et de votre amour pour votre patrie et nous ne croyons pas non plus que vous soyez le monstre décrit par vos adversaires. » Aïe. Parfois, l’Histoire, c’est compliqué. Gare aux erreurs de casting.

Attention, je n’ai jamais dit, moi, Hitler=Gandhi ; contrairement à d’autres nationalistes indiens, il était hostile à une alliance ouverte avec l’Axe. Cela étant dit, il était tout autant hostile à toute participation des soldats indiens à l’effort de guerre anglais contre le 3e Reich : « Notre position est unique. Nous résistons à l’impérialisme britannique tout autant qu’au nazisme. » Si les idées de Gandhi avaient essaimé à Tombouctou ou Agadir, Jamel n’aurait jamais pu tourner Indigènes.

Si j’avais été consulté, j’aurais suggéré à Madonna d’autres possibilités de covoiturage pour accompagner Obama dans sa croisade pour la paix et les droits de l’homme. Il y a d’excellents choix possibles dans l’Histoire américaine. J’aurais évité Martin Luther King (trop fastoche) ou Abraham Lincoln (trop républicain). Mais ça nous laisse quand même quelques bons clients comme Thoreau, Emerson, ou Einstein. Si ça le fait pas, on peut aussi piocher dans le patrimoine pacifiste européen. Tolstoï serait assez raccord, tout comme Dickens et même Montaigne. Montaigne qui, s’il n’est pas le proto-centriste qu’on nous décrivait autrefois au lycée, n’en fut pas moins un homme de paix et de dialogue d’autant plus inattaquable qu’il n’a jamais, lui, écrit du bien d’Adolf Hitler ; et ça, même Madonna peut le vérifier sur Wikipédia.



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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