Le nécessité du mythe commun à travers le roman national pour inscrire l’identité dans la pérennité. Voilà ce que ceux qui veulent détruire notre roman national n’ont pas compris; Tribune de l’auteur de Le Roi a ri.
Une civilisation, une nation, ça se construit, ça se vit et ça se rêve. C’est ce que les Grecs anciens avaient bien compris. Jamais ils n’auraient eu la désinvolture de confondre Hésiode et Hérodote, Homère et Thucydide. Pas plus qu’ils ne se seraient égarés à classifier dans le même registre le récit des guerres du Péloponnèse et la saga de l’épopée troyenne. Eux savaient que la mythologie ne se réduit pas à l’histoire et que l’histoire ne peut tenir lieu de mythologie. L’une et l’autre ne sont pas de même nature. La mythologie est le rêve civilisationnel commun autour duquel les peuples se rêvent, s’exaltent, se glorifient, se magnifient, inscrivent leur identité dans la pérennité de ce qui transcende l’amas événementiel de l’histoire en actes. C’est aussi ce qu’ont compris, à quelque vingt siècles de distance, les Eugène Lavisse de la Troisième République, proposant au pays la convention narrative fondatrice de notre culture républicaine française – à la fois moderne et patrimoniale – qu’on appelle aujourd’hui le roman national. Et c’est bien sous l’angle de la mythologie que ce roman national doit être appréhendé. Ceux qui ont voulu – et veulent encore – le détruire lui font le procès de prétendre être ce qu’il n’a pas à être : l’histoire. Il n’est pas l’histoire. Il ouvre le champ à l’histoire, ce qui est bien différent. Il est ce qu’on a à connaître et ce dans quoi on se reconnaît en tant que frères de nation quand bien même on se ficherait de la mort de Louis XVI comme de sa première chemise. Parce que le roman national relève du mythologique plus que du savoir, il nous est vital. On ne connaît pas d’exemples de peuples, de civilisations, qui ayant sacrifié leur rêve identitaire, se soient perpétués. Le sabordage du mythe commun ne fait que précéder le naufrage général. Mieux encore, il l’annonce. Les Grecs antiques en savent quelque chose. Comme quoi il est toujours bon d’aller se faire voir chez eux.
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