L’évangile selon Judas


L’évangile selon Judas

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Avec Histoire de Judas, le cinéaste franco-algérien Rabah Ameur-Zaïmeche nous offre son point de vue sur les derniers jours de Jésus et sa relation avec Judas. Après une longue période de jeûne, Jésus rejoint les membres de sa communauté soutenu par son disciple Judas. Son enseignement sidère les foules et attire l’attention des autorités romaines. Peu avant son arrestation, Jésus confie une ultime mission à l’apôtre…

Il est périlleux de s’attaquer à ce type de thématique, qui plus est à partir d’un personnage biblique ambigu tel que Judas. En faisait ce geste d’un inouï courage, le réalisateur, déjà remarqué en 2011 pour son film Les Chants de Mandrin, se saisit du fruit empoisonné et signe une œuvre qui ne tranche pas, qui ne tente même pas d’expliquer cet épisode de notre histoire judéo-chrétienne.

Le film fait se succéder les scènes bibliques qui nous sont familières, celle de l’arrivée de Jésus à Jérusalem jusqu’à sa condamnation par Ponce Pilate. La question de la trahison de Judas est latente sans devenir centrale et nous incite à poser un autre regard sur le mythe.
Dès le premier plan, le spectateur est transporté au sommet d’une montagne rocailleuse, sur laquelle Judas porte Jésus sur le dos et l’extirpe hors de la crypte – lieu mémoriel par excellence. Bien que certains plans se présentent à la façon d’une iconographie dont on voudrait déchiffrer  les symboles, le spectateur est comme arrêté et submergé par la force allusive qui émane de la texture cinématographique. Il faut dire la place particulière qui est accordée aux éléments organiques : la poussière de la terre d’Algérie symbolise l’aridité sociale de la domination romaine, le vent est le souffle de la natalité, l’eau fait appel à la grâce. Les plis de la peau où se glissent des sourires, mais aussi des pleurs, renvoient aux plis des tissus dans lesquels apparaît le visage de Jésus – que Nabil Djedouani incarne magistralement- avec cette expression mélancolique que l’on entraperçoit. Ainsi, la cène n’est pas un tableau figé mais la scène d’une communion entre les hommes et les aliments qui inspirent une dimension sensuelle du partage.

Histoire de Judas procède à la manière d’une incantation magique des esprits (ou des icônes), voire d’une procession autour du corps de Jésus: si le Christ est porté au début du film, nous le voyons ensuite embaumé par le parfum de la maternité et finalement jamais maltraité. Il n’est pas question de transsubstantiation, mais de mise en présence réelle du corps. Ceci nous remémore le sentiment d’adoration qui n’a pas attendu l’effigie et le symbole de la crucifixion pour exister. La matérialité du film tient une place importante, sans entraver une réflexion sur le pouvoir politique de la parole qui s’élabore. Ainsi, Judas se présente-t-il comme le gardien de la parole libre portée par Jésus en veillant à détruire toute retranscription. En ce sens, Rabah Ameur-Zaïmeche semble vouloir rétablir le potentiel d’une action politique en plaçant le Christ du côté du révolutionnaire.

C’est peu dire que de grandes questions sont posées dans ce film bien que le personnage de Judas demeure irrésolu. Un tel cinéma est grand car il donne à voir et sentir du présent, et donc une possible actualité, dans l’histoire qui nous constitue.

Histoire de Judas, un film de Rabah Ameur-Zaïmèche actuellement au cinéma.



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