Ils se croient humains, mais orchestrent en réalité la négation des individus, en les entassant dans des HLM ou dans des baraquements modulables. Ils leur distribuent de la dignité en kit et du rêve préfabriqué, dans un pays qui n’a ni logement ni travail à leur proposer. Anne Hidalgo et ses comparses d’extrême gauche vont donc enfin ouvrir le premier camp de migrants de la capitale, pompeusement et honteusement baptisé « humanitaire », répondant « aux normes de l’ONU ». Une clinquante opération d’esbroufe pour peaufiner la stature de la maire de Paris auprès de son aile la plus radicale et des médias internationaux.
Ainsi, explique-t-elle lors d’une conférence de presse, « Paris ne restera pas sans agir en responsabilité alors que la Méditerranée devient un cimetière pour les réfugiés ». Tous les poncifs sont bons pour faire pleurer dans la bobosphère. La sublimation de la sensiblerie est la fantaisie du narcissisme désœuvré. Le misérabilisme d’aujourd’hui doit sentir le sable chaud, arborer les stigmates de la guerre et de la culpabilité occidentale.
Comme le rapporte The Telegraph, l’édile ne croit pas que sa généreuse initiative provoquera un appel d’air. Et prend l’exemple de… l’Allemagne, qui a créé, selon elle, les conditions d’accueil adéquates pour des centaines de milliers d’arrivants. On admire en effet le résultat : quelques mois après les événements de Cologne, on apprend qu’au moins 26 femmes ont été agressées par des demandeurs d’asile lors du festival de musique Open Day Fest, à Darmstadt en mai. Rappelons aussi, parce que ça ne fait jamais de mal, qu’un document confidentiel germanique divulgué en septembre 2015 révélait de nombreux crimes sexuels dans le centre de Giessen, tandis qu’un rapport d’Amnesty International confirmait que de telles situations étaient monnaie courante dans les camps de réfugiés. Viols, prostitution forcée, bagarres, émeutes, vandalisme, recel, trafics s’y répandent, protégés du regard de ceux qui ne veulent surtout pas voir, trop heureux d’assouvir leur boulimie sentimentalisme. « Ils se plaignent parce que les foyers d’accueil ne leurs plaisent pas. Ils créent des problèmes parce que la nourriture ne leur plaît pas. Ils se battent dans les foyers », s’était même agacé le ministre fédéral de l’Intérieur, Thomas de Maizière.
En Grèce, en Hongrie, en Macédoine ou en Australie, les heurts se succèdent et se ressemblent. À Calais, théâtre d’affrontements quotidiens, les clandestins n’hésitent plus à attaquer la police à coups de barres de fer ou de cailloux. À Paris, le lycée Jean-Quarré, occupé un temps illégalement, fut la scène de rixes récurrentes ; les dons des riverains y étaient volés et revendus. La capitale est scarifiée de bidonvilles, de campements sauvages, régulièrement démantelés pour ressurgir aussitôt à quelques encablures. Dernier en date, le jardin d’Eole, dans le 19e, où s’agglutinaient plus d’un millier d’exilés et qui a fini par être évacué ce lundi matin en raison de plusieurs cas de tuberculose.
« S’il faut plusieurs sites, nous en ouvrirons plusieurs », assure Anne Hidalgo, qui espère ainsi accueillir puis dispatcher les 20 à 60 nouveaux arrivants quotidiens « vers la structure la plus adaptée à leurs besoins ». Dans cette logique, elle exhorte l’État à débloquer des places pour demandeurs d’asile, en vue de fluidifier toute une chaîne d’hébergement passablement encombrée. L’adjointe à la Solidarité Dominique Versini – cofondatrice du SAMU Social – va encore plus loin, prônant la régularisation des sans-papiers casés dans les hôtels d’urgence, au prétexte que, de toute façon, ils ne quitteront jamais le territoire. Dès lors, ils pourraient s’intégrer et libérer des lits. Voire prétendre à un HLM ?
Certes, les faits ne lui donnent pas tort : seuls 1 à 5% des déboutés sont reconduits dans leur pays d’origine. À l’échelle européenne, 34% des exilés en situation irrégulière ont été expulsés en 2014, pour un coût de 4 000 euros par personne. Mais faut-il pour autant s’en accommoder ? Que penser du désastreux signal véhiculé par des régularisations massives, qui produiraient l’effet d’une pompe aspirante ? Comment ne pas y voir un cinglant aveu d’échec à maîtriser une immigration en roue libre et à faire respecter la loi ? Comment empêcher les clandestins d’y percevoir un formidable encouragement, s’ils sont tôt ou tard absous par l’administration ? Place Bauveau, on n’est pas spécialement enchanté par l’initiative de l’Hôtel de Ville : « L’État est engagé depuis des mois dans la résorption des campements de migrants à Paris. Cette action résolue a permis la mise à l’abri plus de 8 500 personnes ces derniers mois, afin de leur offrir un accueil digne et de les accompagner dans leur démarche vers l’asile. 16 000 places de CADA auront été créées sur le quinquennat, c’est un effort inédit. » Où s’arrêtera-t-on ?
Les CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), parlons-en. Leur nombre de places, qui a quadruplé en dix ans dans l’Hexagone, devrait s’approcher des 35 000 en 2016. Ils sont gérés par des sociétés d’économie mixte ou des associations subventionnées, qui ne tireraient aucun avantage d’un tarissement migratoire. Telle l’inamovible France Terre d’Asile, également en charge du futur camp « humanitaire » parisien, avec Emmaüs Solidarité et Aurore. Pour mémoire, la Cour des comptes estime à 13 724 euros le coût d’un demandeur d’asile, compte tenu de l’accompagnement, l’hébergement, l’aide juridictionnelle, les allocations, la CMU et l’AME. Ceux qui sont admis en CADA bénéficient d’une allocation mensuelle de subsistance (AMS) de 91 à 718 euros par mois. Les autres échouent dans les 47 000 places d’hébergement d’urgence, dont 22 000 nuits d’hôtel, et touchent l’allocation temporaire d’attente (ATA) de 340,50 euros par mois (qui a augmenté de 179 % en quatre ans). Le coût moyen d’un centre provisoire d’hébergement est évalué à 35 euros par personne et par jour. Les premières évacuations de campements parisiens, en juin 2015, avaient obligé l’État à débourser en quelques semaines la coquette somme de 10 millions d’euros pour héberger 1 020 migrants, confiait à l’époque Jean-François Carenco, préfet de Paris et de l’Ile-de-France. « Il y a certains endroits, c’est plus des réfugiés, c’est des bandits. », déclarait-il dans la foulée.
Trop, c’est trop. Même le Dalaï Lama le dit : « L’Europe ne peut pas devenir un pays arabe. » Au fil des années, l’image de la capitale ne cesse de se dégrader. La délinquance fait fuir les touristes, notamment chinois, au point que 26 000 policiers et agents de la Ville avaient dû être déployés l’été dernier pour surveiller les zones les plus exposées. Il y a quelques jours, la justice a donné raison à l’association de riverains de la rue Dejean, dans le 18e arrondissement, qui avait déposé plainte contre la mairie de Paris pour rupture d’égalité avec ses concitoyens parisiens en matière de sécurité. Leur quartier, gangréné par les vendeurs à la sauvette, les dealers, les prostituées et autres spécimens, était devenu un lieu de pugilats et d’agressions jonché de détritus, dans l’indifférence totale de la municipalité. « Paris commence à ressembler au Bronx », déplorait en 2013 Frédéric Péchenard, l’ex-chef de la Police nationale. Visionnaire.
Mais Madame Hidalgo ne semble pas s’en émouvoir, trop affairée à parachever ses manœuvres clientélistes. L’enjeu est multiple : satisfaire et gonfler son électorat bobo et immigré, faire fuir les classes moyennes qui ne votent pas pour elle, caresser dans le sens du poil ses adjoints écolos et communistes, alors que ceux-ci ne représentent plus rien au plan national, attiser avec un opportunisme cynique la lutte des classes en diabolisant les bourges et en cassant « les ghettos de riches », comme s’en gargarise son adjoint au logement Ian Brossat. Dans un climat électrisé par les tensions sociale, les grèves, les groupuscules d’extrême gauche, son coup d’éclat « humanitaire » ne pouvait mieux tomber. La voilà résolue à devenir la pasionaria du vrai socialisme, l’antithèse d’Emmanuel Macron, la bienfaitrice des opprimés, quitte à transformer Paris en cloaque et en usine à HLM, de préférence dans les beaux quartiers, où les nuisances prolifèrent au rythme des constructions d’ensembles sociaux. Mais derrière ce bel altruisme de façade et cet étalage de démagogie à la truelle, se cachent des objectifs plus mercantiles, comme s’en inquiète la Cour régionale des comptes dans son récent rapport. La mairie de Paris a en effet réussi à boucler son budget 2016 grâce aux avances des loyers payés par ses bailleurs sociaux – encaissables sans être échus, pour un montant de 354,4 millions d’euros –, afin de continuer à investir massivement malgré la baisse de ses recettes, et soutenir son programme de 10 milliards d’euros prévu jusqu’à 2020. On comprend mieux l’empressement de la mairie à reconventionner en HLM une partie du parc privé de ces bailleurs. Il faut dire qu’Anne Hidalgo a littéralement fait exploser la dette parisienne, qui a franchi avec allégresse la barre des cinq milliards, soit cinq fois plus qu’à la fin de l’ère Tibéri en 2001. Depuis le règne socialiste, les charges de personnel et les dépenses sociales ont réalisé des envolées supersoniques. Sans oublier les petits arrangements entre amis : lors du débat sur l’orientation budgétaire en octobre 2015, elle a subrepticement glissé une mesure augmentant de manière considérable le quota de logements sociaux municipaux attribués aux fonctionnaires de la ville, fixé désormais à 25% !
On a la maire qu’on mérite, serait-on tenté de conclure. Une maire qui vire à gauche toute mais qui n’est pas capable de tenir elle-même son parapluie, qui interdit de cité les automobilistes modestes ayant une voiture trop vétuste, qui dilapide l’argent du contribuable. Qui balance des hashtags #WelcomeRefugees sur Twitter in english mais qui baragouine trois phrases d’anglais incompréhensibles à son homologue londonien Sadiq Khan. Qui réaménage la voirie parisienne en dépit du bon sens, qui réhabilite des immeubles haussmanniens en HLM, au mépris de notre patrimoine culturel. Qui fait bâtir son camp de migrants, sans se soucier d’alimenter un système pervers, de favoriser indirectement des trafics d’êtres humains qui engraissent des réseaux. Un camp de quelques centaines d’individus, un trompe-l’œil qui ne règlera rien et ne fera que métastaser le problème. Mais pourquoi s’en priverait-elle puisque l’opposition ne manifeste que de molles protestations, voire une complaisance toxique, face à une politique médiocre régie par des impératifs électoralistes, qui dépèce peu à peu la ville de son âme.
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