Voici venue la «guerre scolaire urbaine» alerte Anne Coffinier ! À Paris, sept établissements d’enseignement privés se retrouvent piégés par le plan local d’urbanisme de la mairie.
Le nouveau PLU (plan local d’urbanisme) de la Ville de Paris a prévu de contraindre près de 2000 bâtiments à se transformer à terme, en tout ou partie, en logements sociaux. Techniquement, ces parcelles sont classées en « emplacements réservés » ; on dit ainsi pudiquement qu’elles sont « pastillées » par le PLU. Des établissements publics sont visés, tels que le CROUS de Mabillon, mais aussi des immeubles de bureaux, des immeubles de logement et même – et c’est l’objet de cet article – des établissements d’enseignement privés sous contrat.
Manœuvres immobilières
Les propriétaires institutionnels de bureau ont conduit un lobbying actif et se sont vivement défendus dans les médias. Ils menacent d’utiliser massivement leur droit de « délaissement » pour forcer la Mairie de Paris à reculer. Concrètement, ils prévoient de demander à la Mairie de racheter leur bâtiment et, si elle ne l’avait pas fait dans le délai imparti d’un an, le bâtiment en question serait dépastillé, donc libéré de ses obligations quant aux logements sociaux.
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La manœuvre est habile : la Mairie de Paris, déjà lourdement endettée, n’aura pas les moyens financiers d’acheter des centaines de parcelles à Paris, a fortiori dans un contexte également compliqué pour les bailleurs sociaux.
Sept écoles piégées !
Et voilà qu’on découvre qu’au moins sept établissements privés catholiques scolaires sous contrat sont pastillés dans la capitale ! Ces derniers ne pourront ni construire, ni mener une restructuration lourde, ni réaliser une extension, ni surélever un bâtiment, ni réaliser un changement de destination sans devoir créer des habitations dont une partie de logements sociaux pouvant aller jusqu’à 100% de la surface d’habitation créée. Autrement dit, cela signifie que ces derniers seront privés de la possibilité de réaliser tout type de travaux de grande ampleur. Leur développement sera donc gelé.
Mais de quels établissements s’agit-il ? Le collège Saint-Jean Gabriel dans le 4è arrondissement, l’école Saint-Eloi, le collège Sainte-Clotilde et le lycée Saint-Michel de Picpus dans le 12è, mais aussi les groupes scolaires Saint-Vincent de Paul et de Notre-Dame de France dans le 13è arrondissement ainsi que le lycée Saint-Michel des Batignolles dans le 17è. Curieux coup du sort, qui vient dans le contexte de l’annonce de la suspension des subventions de la Ville de Paris à l’école Stanislas, en contradiction avec la loi.
Les écoles pastillées viennent donc d’être invitées par la Direction diocésaine de Paris à protester par écrit, dans le cadre de l’enquête publique ouverte jusqu’au 29 février. En plus de cette étape nécessaire, les établissements catholiques concernés et les parents d’élèves ont évidemment intérêt à faire connaître fortement leur opposition, à l’instar de ce qu’ont fait les foncières et autres propriétaires institutionnels de bureaux, sans quoi ils seront immolés par « notre Drame de Paris », Anne Hidalgo.
Le pas de vague n’est pas possible
En politique, le « pas de vagues » n’est pas une option. En religion, non plus d’ailleurs, mais c’est un autre sujet.
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Une fois le PLU adopté, restera la possiblité de l’attaquer au tribunal administratif pour illégalité. N’est-ce pas en effet un détournement de procédure que de classer tant de parcelles en emplacement réservé, alors que la Mairie de Paris sait bien qu’elle est incapable de les racheter lorsque les propriétaires feront valoir en nombre leur droit de délaissement ?
Cet usage offensif du dispositif de pastillage est de la politique. Anne Hidalgo fait même preuve d’innovation en inventant une nouvelle dimension à la guerre scolaire qui se joue maintenant… dans la rue ! Voici en effet venue la « guerre scolaire urbaine ». Comme c’est technique, la Maire de Paris a pu avancer sans être repérée.
Il est quand même inouï que les écoles visées n’aient été prévenues que le 6 février. Au Conseil de Paris, personne n’a identifié cette attaque contre les établissements catholiques sous contrat lorsque le PLU a été examiné. Il faut dire que les parcelles sont nommées uniquement par les numéros de rue et que la loi ne prévoit pas d’obligation pour les mairies de prévenir les propriétaires concernés. Là encore, seuls les initiés pourront agir et sauver la valeur marchande et la liberté d’utilisation de leur propriété. Drôle de conception de la transparence politique et du respect des droits des citoyens, dont pas moins de 40% des enfants sont scolarisés dans les établissements sous contrat parisiens…
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