Hier soir, à Ce soir ou jamais, alors qu’on craignait la foire d’empoigne autour du réprouvé Richard Millet auteur de l’Éloge littéraire d’Anders Breivik, Frédéric Taddeï nous a finalement gratifiés d’un débat de bonne tenue, exception faite des cris d’orfraie de l’ineffable Esther Benbassa. Mais dans sa célébration enthousiaste d’une France métissée, « une et multiculturelle » ouverte à l’immigration, le philosophe Edgar Morin a commis un impair de taille, qu’aucun des polémistes présents n’a relevé. Prétextant que « les immigrés apportent quelque chose, ne serait-ce qu’en littérature », Morin a cité pêle-mêle « Patrick Chamoiseau, Aimé Césaire, Edouard Glissant, ces descendants d’esclaves noirs » censés incarner « l’apport capital » de l’immigration à la « littérature française d’aujourd’hui »[1. La séquence est visible ici, autour de la 51ème minute.].
Nos compatriotes martiniquais apprécieront de voir trois de leurs éminents écrivains qualifiés d’immigrés par le chantre du multiculturalisme « ouvert » et tolérant. Pour rappel, l’île antillaise, actuellement département d’outre-mer, est française depuis 1635, soit plus de deux siècles avant le rattachement de Nice et de la Savoie à la France. Sans doute « descendants d’esclaves », Césaire, Glissant et Chamoiseau méritent pourtant mieux que cette assignation raciale teintée des meilleurs sentiments.
En vantant la postérité littéraire de « ces catégories d’immigrés qui sont différents de nous par la couleur du visage », Edgar Morin raie les Antillais de la carte française au nom de leur couleur de peau. Le même impute à Richard Millet la triste qualité de « pamphlétaire sans nuances ». Espérons qu’à l’avenir, Morin mette quelques nuances dans sa représentation des « desouche », tout de blanc immaculés.
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