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Heureux comme un socialiste en France


Hollande 2012

Les socialistes sont heureux. Il y a de quoi. La participation aux primaires a encore augmenté. Tout le monde sent obscurément que plus rien ne sera comme avant et que la Vème république est peut-être bien morte le 16 octobre 2011. On se consolera en se disant que depuis l’instauration du quinquennat et la quasi coïncidence des élections présidentielles et législatives, cette Marianne-là n’était plus que l’ombre cacochyme, hargneuse et autoritaire de la belle fille énergique et sociale qui avait repris la France en main en 1958. Il fallait voir Jean-François Copé et Christian Jacob sur les plateaux télé, encore plus blêmes que la semaine dernière, continuant à faire valoir les mêmes non-arguments arithmétiques ou les entendre répéter sans y croire qu’ils n’avaient pas de problèmes de leadership donc pas besoin de primaires. Sans rire. Il suffisait de constater l’absentéisme flagrant aux dernières journées parlementaires de l’UMP pour savoir à quoi ça ressemble, une fin de règne. Et se dire qu’une primaire avant la fin de l’année entre Sarkozy, Fillon, Copé, Bertrand et pourquoi pas Marine Le Pen dans le rôle d’un Baylet qui risquerait d’arriver en tête, ne donnerait pas forcément les résultats escomptés pour le président sortant.

Les socialistes sont heureux. Ils ont refait leur unité, sans doute autour du plus petit dénominateur commun, mais ils ont refait leur unité. On peut regretter que ce soit Hollande, en l’occurrence quand il y aurait pu avoir le volontarisme têtu et compétent de Martine Aubry, le flamboiement démondialisateur de Montebourg, la niaque néo-blairiste de Valls ou le côté habité, Eva Perón, de Ségolène dont le score s’explique aussi par le fait que les classes populaires auprès desquelles elle fait un carton affectif ne se dérangent habituellement pas pour voter et le font encore moins aux primaires.

Les socialistes ont refait leur unité comme jamais depuis le 21 avril 2002 qui fut encore aggravé par la guerre interne créée par le référendum de 2005 et la désignation, médiatique plus que militante, de la candidate lors de la fausse primaire de 2007. Certes, la belle photo de l’ensemble des candidats autour de Hollande, hier soir, sur les marches du siège du parti, avait quelque chose d’irréel. Mais que n’aurait-on pas dit si le camp aubryste avait tardé à reconnaître la défaite ! On a juste repéré un déglutissement un peu amer de Cambadélis ainsi qu’une phrase de Dray le hollandais sur le nécessaire rééquilibrage de la direction du PS. Bon, en même temps c’est insignifiant puisque c’est de Julien Dray qui nous rappelle au passage qu’Aubry n’a pas, comme le laissait entendre l’ami Luc Rosenzweig, le monopole des ex trotskystes dans son entourage. De toute façon, si vous voulez trouver un parti de gauche sans anciens trotskistes, vous pouvez chercher, à part le PCF, je ne vois pas…

Les socialistes sont heureux. Ils ont pu entendre par l’intermédiaire de Nadine Morano, qui au fur et à mesure que le quinquennat arrive vers son terme, accentue sa ressemblance avec un officier des cuirassiers à Eylau, chargeant sabre au clair sans se poser de question, à quoi vont se résumer les « éléments de langage » mis en place par l’Elysée. Pas grand-chose, à vrai dire. On va, à droite, insister sur l’inexpérience, notamment ministérielle, de François Hollande. Ils n’auront, les socialistes, pas trop de mal à objecter que François Hollande doit faire de la politique depuis qu’il a 17 ans, qu’il a su gouverner le Parti socialiste dans les années 2000 ce qui est largement aussi compliqué que d’éviter une guerre civile en France, et que dans la période 1997-2002, en tant que Premier secrétaire, il était associé quotidiennement aux décisions prises par Lionel Jospin Premier ministre.

En plus, il faudra expliquer à Nadine Morano et à ceux qui vont lui emboiter le pas, que l’argument de l’expérience, par les temps qui courent, n’est pas forcément le mieux venu : l’échec économique, social, politique de ceux qui savent donne plutôt l’envie de donner sa chance à un perdreau de l’année ou à celui qui sait se faire passer pour, à l’instar de Nicolas Sarkozy qui a réussi à faire croire qu’il était un homme neuf en 2007 alors qu’il avait derrière lui cinq ans de responsabilités dans des ministères régaliens.

Les socialistes sont heureux. Leur vieille idée fausse qu’une élection se gagne au centre s’incarne parfaitement dans la personne de Hollande. C’est une idée fausse parce que les élections de 2007 ont été gagnées par une droite qui a tenu un discours de droite alors que 1995, 2002 et 2007 ont été perdues par une gauche qui a tenu le langage du centre.

Maintenant, à Montebourg et Ségolène Royal de se faire entendre, l’un sur le protectionnisme, l’autre sur l’interdiction des licenciements boursiers en prouvant qu’il ne s’agissait pas chez eux d’un simple positionnement électoral. Sinon, cela agrandira l’espace politique du Front de Gauche qui, comme tous les sondages le montrent, est déjà plus fort avec Hollande qu’avec Aubry.

Les socialistes sont heureux. François Hollande a gagné et il sera le seul candidat, avant même que le premier citoyen ait déposé son bulletin dans l’urne en 2012, à avoir d’emblée la légitimité de 750 000 voix quand tous les autres ne pourront exciper, pour ceux qui auront eu de la chance, que de 500 signatures.

Les primaires ont inventé une nouvelle forme d’onction républicaine et les Français qui ont toujours aimé une certaine sacralisation dans leur rapport aux hommes de pouvoir risquent d’y être bien plus sensibles que ne l’auraient souhaité les autres candidats.

Un comble, pour François Hollande qui se rêve président « normal », de se retrouver dans la peau de Clovis à Reims.



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