Djihadistes et islamistes de tout poil ont trouvé chez nous un petit coin de paradis. Quasiment inexpulsables grâce aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme – qui invalide jusqu’à leur déchéance de nationalité – ils profitent d’un système qui leur offre le gîte et le couvert.
Le 1er mai 2007, le comité contre la torture de l’ONU prie la France de s’assurer qu’Adel Tebourski (complice de l’assassin du commandant Massoud en Afghanistan), expulsé par Paris, est en sécurité en Tunisie. À partir de cette date, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) invalide quasi systématiquement les déchéances de nationalité, mais aussi les obligations de quitter le territoire français (OQTF et ITF), ce qui va créer des situations ubuesques.
Kamel Daoudi, Franco-Algérien affilié à Al-Qaïda, soupçonné d’avoir préparé un attentat contre l’ambassade des États-Unis à Paris, arrêté au Royaume-Uni en 2001 alors qu’il avait été naturalisé français quelques mois plus tôt, est déchu de sa nationalité en mai 2002. Le 15 mars 2005, il est condamné à neuf ans de prison et à une ITF. Mais la CEDH s’oppose à sa reconduite en Algérie car il y risquerait des « traitements dégradants ». Assigné à résidence à Carmaux (Tarn), il doit prouver qu’il cherche un pays d’accueil. Ne respectant pas les contraintes de l’assignation, il est condamné à un an de prison dont il obtient l’annulation par la cour d’appel de Riom qui le libère. Depuis 2008, en quatorze ans, il a déménagé à huit reprises (en France).
Mohamed Ali Arous, Algérien condamné en juin 2006 à la peine maximale pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, échappe in extremis à l’expulsion grâce à l’intervention de la CEDH. Motif : la justice de son pays l’a condamné à mort par contumace. Libre mais banni de France, libre mais indésirable ailleurs, il est donc depuis 2013 assigné à résidence. Une mesure administrative qui frappe aujourd’hui surtout des islamistes, majoritairement des Algériens : 70 personnes en 2016 après un pic à 268 pendant l’état d’urgence. Saïd Arif, ancien officier déserteur de l’armée algérienne qui se vantait de coûter 2 600 euros par mois à l’État français qui lui paie le gîte et le couvert, s’est finalement enfui. Il aurait été tué par une frappe aérienne d’un drone américain en Syrie en 2015.
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L’expulsion n’est pas impossible
Djamel Beghal, Franco-Algérien proche d’Al-Qaïda, arrêté le 28 juillet 2001 à Dubaï, condamné à dix ans de prison en 2005 et déchu de sa nationalité en 2006, a introduit de nombreux recours. L’Ofpra refuse sa demande d’asile et sa requête devant la CEDH n’aboutit pas. Le 30 juin 2009, le Conseil d’État avait donné tort au ministre, rendant Beghal inexpulsable. Assigné à résidence, il reçoit Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly… Moins d’un an plus tard, en mai 2010, il est interpellé, soupçonné d’avoir planifié l’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l’un des cerveaux des attentats de 1995. Il a purgé une peine de dix ans de prison puis est expulsé en 2018 vers l’Algérie, où il a comparu en appel d’une condamnation à vingt ans de prison par contumace. Le 23 décembre 2019, le tribunal criminel de Dar El Beïda l’a acquitté et libéré. Rachid Aït El Haj, Bachir Ghoumid, Attila Turk, Fouad Charouali et Redouane Aberbri, les cinq derniers expulsés, impliqués dans l’attentat de Casablanca du 6 mai 2003 (45 morts dont trois Français) contestent leur déchéance de nationalité. En juin 2020, la CEDH rejette leur recours avec un argumentaire étonnant : « la perte de la nationalité française n’emporte pas automatiquement éloignement du territoire, et si une décision ayant cette conséquence devait être prise en leurs causes, les requérants disposeraient de recours dans le cadre desquels ils pourraient faire valoir leurs droits » ; revenez donc nous voir en cas de besoin !
Quelques cas étonnants
Dans l’affaire Samuel Paty, Abdelhakim Sefrioui, qui a alerté la djihadosphère à partir du témoignage mensonger de la petite fille, est un vieux routard de la haine, expulsé inexpulsable, fiché S. Mis en examen après la décapitation, il se dit « abasourdi, effondré ». On peut le comprendre : conservant sa nationalité française, malgré la demande du préfet de Seine-Saint-Denis en 2010, car marié à une Française (convertie), il avait déjà menacé Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris et l’imam Chalgoumi, sans jamais rien risquer. Pourquoi donc maintenant ? La fausse information désignant Samuel Paty a été relayée sans vérification par la mosquée de Pantin dont l’imam Ibrahim Doucouré est connu pour ses prêches toxiques. Quelques heures avant la fermeture administrative du lieu de culte, le 26 octobre, l’imam fiché S et inscrit au FSPRT a décidé de se « mettre en retrait »… en allant poursuivre son œuvre à Bobigny.
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Encore mieux ! Oussama Atar, cousin de Khalid et Ibrahim El Bakraoui, auteurs des attentats du 22 mars à Bruxelles, arrêté en février 2005, est condamné par la justice irakienne à vingt ans de prison. Sa famille française le dit atteint d’une tumeur au rein non soignée[1] et suscite une campagne auprès de personnalités politiques ou d’ONG, comme le MRAX belge[2], la Ligue des droits de l’homme, Amnesty, la Commission arabe des droits humains. Plusieurs politiciens (écolos, CDH et PS) demandent sa libération. Après intervention diplomatique, c’est fait en 2012, après dix ans de détention en Irak, en raison d’un « état de santé très dégradé ». Mais en 2013, il est intercepté en Tunisie pour trafic d’armes, il disparaît en Syrie où il retrouve les frères El Bakraoui et d’autres Belges, dont Tarik Jadaoun, dans la brigade Tarik ibn Ziyad de djihadistes francophones. En 2014, il convoie les otages Édouard Elias, Didier François, Nicolas Hénin, John Cantlie et James Foley (mort en détention). Il devient le chef de l’Amn al-Kharji chargée des opérations terroristes extérieures. Il est suspecté d’être le quatrième commando lors des attentats de Paris. Il aurait été tué en Syrie le 17 novembre 2017. Seul Amnesty a fait amende honorable : « Sur la base d’informations de l’époque, Amnesty a fait part en 2010 de sa préoccupation aux autorités irakiennes et a invité celles-ci à prévoir toute l’aide nécessaire pour Atar. Chaque individu, emprisonné ou non, a droit aux soins de santé de base. Amnesty International a seulement mené une action en 2010 pour le droit à la santé et non pour la libération d’Atar », rappelant quand même qu’elle condamne avec force tout acte terroriste.
Comment contourner l’interdit
Merouane Benahmed, membre des GIA algérien, est identifié lors du démantèlement du « groupe de Francfort » qui prépare un attentat à Strasbourg. Arrêté en 2002 avec son épouse et huit autres personnes, il est le chef d’orchestre de la « filière tchétchène » (25 membres) en 2006. Il est condamné à dix ans de prison et interdit de séjour en France (ITF). Libéré en février 2010, il est conduit dans un centre de rétention administrative, mais refuse de communiquer des informations personnelles, puis il est condamné en mars 2010 à deux mois d’emprisonnement. Son avocat saisit la CEDH qui enjoint au gouvernement français de ne pas procéder à l’expulsion pour la durée de la procédure, mais le 1er juillet 2014, la Cour de Strasbourg déclare finalement sa requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes. Pendant cette période, Merouane Benahmed, interviewé sur Europe 1, ne renie rien de son passé. Le 19 janvier 2015, le maire demande au préfet de le changer de lieu de résidence et précise qu’une famille chrétienne d’Irak arrive. Le 3 juillet, sept mois après son installation, il est exfiltré en catimini vers Segré, la sous-préfecture. Au téléphone, Benahmed hurle à « l’injustice » et à « l’illégalité », dit rêver de « reprendre une vie normale » avec son épouse et ses quatre enfants. La police vérifie l’identité de chacune de ses relations. En plus de ses pointages quotidiens, il n’a pas le droit de travailler et a l’obligation de chercher une résidence hors de France. Le 4 novembre 2014, son expulsion est à nouveau envisagée mais l’intéressé dépose une demande d’asile. L’Ofpra la rejette en février 2015. Dès le 18 février, l’Algérie est fixée comme pays de destination. Son avocate saisit sur-le-champ la CEDH qui intime au gouvernement français l’ordre de suspendre l’expulsion avant le 25 février. Benahmed, marié religieusement (et pas civilement) avec une ressortissante française avec laquelle il avait eu trois de ses enfants, invoquait son droit au respect de la vie privée et critiquait les répercussions indirectes pour sa famille. Mais hélas le vol vers Alger avait décollé, treize minutes avant que la police aux frontières ne reçoive les nouvelles instructions. À son arrivée, il est remis aux services de renseignement algériens, mis en examen, puis placé en détention provisoire. Il serait à ce jour toujours incarcéré en Algérie.
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Ahmed Sahnounni El Yaacoubi, franco-marocain arrêté en avril 2010 pour avoir projeté divers attentats à Paris ainsi qu’au Maroc, en Iran et en Afghanistan, est condamné en mars 2013 à sept ans d’emprisonnement. Déchu de sa nationalité française le 28 mai 2014, il conteste en faisant valoir une « rupture d’égalité entre Français de naissance et Français naturalisés ». Le Conseil constitutionnel valide sa déchéance en janvier 2015. Il est expulsé au Maroc le 22 septembre 2015 contre l’avis de la CEDH, le ministère de l’Intérieur ayant hâté son expulsion. En février 2015, Mohamed Ali Arous, Algérien déchu de sa nationalité ayant lui aussi purgé auparavant une peine en France a été éloigné dans des conditions semblables. La décision de la CEDH est notifiée alors que les portes de l’avion étaient fermées. « L’avion n’avait pas encore décollé, mais à partir de ce moment-là, on nous fait valoir que le pilote est le seul maître à bord »,explique son avocate. À son débarquement en Algérie, Ali Arous a été immédiatement arrêté.
La peine de mort en Syrie
Boubaker El Hakim, djihadiste franco-tunisien, est devenu le plus haut gradé français de l’État islamique, « l’un des principaux responsables des opérations extérieures », selon David Thomson. Premier membre de la « filière des Buttes-Chaumont » à se rendre en Syrie, il est emprisonné en 2004 pendant neuf mois avant d’être expulsé vers la France. Il est condamné le 14 mai 2008 à sept ans de prison. Libéré le 5 janvier 2011 et installé en Tunisie, il y planifie le meurtre de deux opposants politiques : l’avocat Chokri Belaïd, le 6 février 2013 et le 25 juillet, Mohamed Brahimi. Effet contraire à celui recherché, ces deux assassinats provoquent d’importantes manifestations hostiles aux islamistes. Il est tué par un drone américain à Raqqa le 10 décembre 2016, mais l’une de ses sœurs reprend le flambeau. Mise en examen et incarcérée provisoirement le 10 décembre 2016 à Paris, elle serait partie en Syrie en 2015 avec son enfant.
L’horrible décapitation de Samuel Paty a suscité dépôts de fleurs, cris et larmes. Elle est le résultat de tous les ingrédients existant avant le 16 octobre 2020 : menaces contre des enseignants, assassinat pour blasphème, chasse en meute autour d’une victime désignée, activisme haineux d’un imam expulsable jamais expulsé… C’est même la seconde décapitation après celle (filmée) d’Hervé Gourdel en Algérie en 2014. La lâcheté des élites politiques et l’irresponsabilité des ONG font qu’aujourd’hui il vaut mieux être un terroriste condamné, expulsé inexpulsable, logé nourri et blanchi aux frais de la République, qu’un SDF français qui n’a droit qu’au RSA.
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[1]. Voir le site « sos-appel-urgent-sauvons-la-vie-doussama-atar-detenu-belge-en-irak ».
[2]. Le MRAX est l’acronyme de Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, association belge qui a succédé au Mouvement de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (MRAP).