Le New-York Times évoque l’explosion du marché américain de l’héroïne. Les saisies ont en effet atteint un niveau record depuis deux décennies, faisant émerger une nouvelle drug-generation qui diffère de ses devancières.
Si le modus operandi n’a que peu changé (on commence par le sniff puis on se tourne majoritairement vers l’injection), ce sont les groupes à risques qui ont dévié lentement. Les exemples d’overdoses cités par le journal de l’acteur Philip Seymour Hoffman ou de jeunes de la « middle class » ont illustré ces changements sociologiques. Le New-York Times explique que le XXIème siècle a déplacé les lieux de consommation, des pauvres des centres-villes aux repaires de la classe moyenne péri-urbains.
Si l’héroïne a décliné à partir du milieu des années 90, c’est que l’arrivée massive sur le marché des drogues de synthèse (metamphétamine, crack) et la banalisation de la cocaïne ont provoqué un mouvement de balancier sur la consommation, plus que la politique de prohibition.
Ces chiffres new-yorkais sont avancés par les associations locales de prévention pour justifier l’ouverture immédiate d’un moratoire, destiné à précéder le mouvement mécanique inévitable de la (re)consommation. Car les « tendances » dans ce milieu sont généralement dictées par la loi de l’offre et la demande. Ainsi, l’explosion de la consommation de cocaïne (dans les années 70-80) ne répondait pas tant à une demande croissante qu’à un afflux massif du produit en provenance du Mexique, les cartels ayant décidé d’ « inonder » le marché, tirant les prix vers le bas.
À New-York, c’est d’abord à Staten Island qu’on observe un regain de la consommation. Lieu stratégique d’import/export, iconoclaste au sein du paysage new-yorkais, l’île illustre le déménagement de la toxicomanie des centre-villes aux milieux péri-urbains voire ruraux. Là-bas, les ravages de la drogue ont entraîné une prise de conscience (tardive) ces derniers mois et la mise en place de politiques visant à l’enrayer.
En France, la situation paraît différente. L’AFR (association française de réduction des risques) indique que la consommation d’héroïne semble stable dans l’hexagone, bien qu’à l’instar des Etats-Unis, elle a quitté la seule consommation urbaine pour « envahir » la France rurale. Chez nous, plutôt que l’héroïne, ce sont ses dérivés médicamenteux qui ont la cote. L’injection de médicaments, avec en tête de liste le Skenan, un anti-douleur issu de la morphine, représente le péril sanitaire le plus important . Notre généreux système de santé est un miroir des cartels mexicains d’outre-Atlantique de l’époque. En un peu moins sexy, cela va sans dire.
La nouvelle « French connection » porte plutôt la blouse, quelques médecins ou pharmaciens véreux créant l’offre et la demande sur le marché de la dope hexagonal. Dans le même temps, la France continue à condamner pénalement le simple consommateur, alors que peu de ces « dealers » diplômés sont inquiétés. Un autre versant de l’exception culturelle française.
*Photo : B.A.D.
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