Le célèbre petit village gaulois d’Astérix et Obélix a son barde, Assurancetourix. Ce personnage a pour trait essentiel de croire avoir du talent alors qu’il chante de façon épouvantable. Il vit seul dans une cabane perchée dans un arbre. Du moment qu’il ne pince pas les cordes de sa lyre, il sait se faire apprécier par les habitants du village.
Il serait temps d’ajouter à ce petit peuple sympathique un nouveau personnage qui serait longtemps passé inaperçu, tant l’ensemble du village aurait adhéré à ce qu’il disait et éprouvé, durant des décennies, un certain plaisir à se reconnaître dans la trompeuse élévation de ses sentiments. Appelé Helloquittix, ce personnage est devenu ce bavard désormais insupportable qui croit encore détenir la vérité et pouvoir l’imposer alors que le village, dans son immense majorité, a cessé de l’écouter.
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Si chanter faux s’entend dès la première parole, si les Gaulois se jettent sur le pauvre Assurancetourix pour le ligoter et le bâillonner dès qu’il saute sur une table pour pousser la chansonnette, il faut du temps et une ouïe infiniment plus fine pour se rendre compte qu’un discours est faux. Que celui qui le tient accepte un jour d’ouvrir les yeux et reconnaisse qu’il relayait sans vergogne un énorme mensonge, il découvrira alors douloureusement que la difficulté n’était pas tant dans la recherche de la vérité par une prise en compte de la réalité, que dans l’abandon de son erreur. Car celle-ci ne fut jamais seulement la sienne, mais celle d’une communauté avec laquelle il l’avait en partage. Helloquittix, le menteur impénitent, devait tout à ceux qui communiaient dans la même idéologie : sa carrière, sa considération, sa chronique régulière dans les colonnes d’un journal, ses entrées dans le domaine de l’édition, son rond de serviette sur les plateaux de télévision, sa nomination à un poste envié, ses décorations. Il leur devait également une foule de petits avantages qui participent au confort narcissique d’une petite vie bourgeoise dans laquelle l’estime de soi est entretenue par une mauvaise foi bien rôdée.
Helloquittix a un ami, un allié dans la place dont on parle peu et qui dans ce village menacé par les Romains du sud de l’Empire semble passer à travers les gouttes de l’exaspération des Gaulois. Et pourtant il y a des décennies qu’il sévit dans le village. C’est Lézartplastix, un crétin qui croit refaire ce qu’il appelle « le coup de maître de son grand-père Impressionnix » dont il a réussi à faire croire au village qu’il était l’héritier. Helloquittix et Lézartplastix ont en commun depuis longtemps une même ambition : saturer, le premier, l’espace médiatique, le second, l’espace publique. Aussi Lézartplastix, encouragé par son copain, a-t-il eu l’idée de demander à Obélix de donner à ses menhirs la forme d’un plug anal et d’aller les livrer dans les écoles du village. Colère chez les Gaulois qui, ne sachant plus vers quel saint se tourner, regardent avec autant d’admiration que d’inquiétude un personnage qu’ils n’avaient ni imaginé ni rêvé voir renaître de ses cendres : Outratlantix.
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