Dans un « manuel de la communication inclusive », la commissaire européenne à l’Égalité a récemment proscrit officiellement une liste de mots et expressions, en vue de mieux « refléter la diversité » et de lutter contre les « stéréotypes profondément ancrés dans les comportements individuels et collectifs »… Tout cela ressemble fort à une nouvelle police des mots !
À défaut de ne vouloir vexer personne, ce guide a à mon avis fait bien pire : la mise à l’index d’une civilisation dont tous les Européens héritent.
Son contenu a de quoi surprendre, et surtout inquiéter. Parmi les termes censurés ou remplacés: « Mesdames et messieurs » (et réciproquement « M. » et « Mme »), « les deux sexes », « Noël », le prénom « Marie », j’en passe et des horreurs ! Le guide, dénoncé par le quotidien italien Il Giornale, pouvait bien susciter l’émoi – si ce n’est l’effroi – jusqu’au Vatican. Dit « pour une communication inclusive », la recette concoctée par la commissaire Helena Dalli est pourtant de l’ordre de l’exclusif. Dieu nous sauve (si je peux me permettre), cette dernière a finalement décidé de « retravailler » ce guide. Mais la sentence est tombée : le wokisme s’est bel et bien infiltré au sein de l’exécutif européen.
Il doit être noté que la commissaire maltaise n’en est pas à son premier exploit. La semaine précédente, elle avait reçu en termes élégants (c’est une litote) le Femyso, cette association de jeunes musulmans à l’origine de la campagne (retirée) du Conseil de l’Europe sur la « liberté dans le hijab ». On est à des années lumières du sommet de Copenhague de 1973, où les futurs Neuf affirmaient leur ambition d’introduire « l’identité européenne ».
A lire aussi: La beauté est dans la diversité, comme la liberté est dans le hijab?
Avec ce guide, on voit encore que l’enfer est (a priori) pavé de bonnes intentions. Car si sa finalité est de ne blesser personne, et que personne ne peut à première vue être en désaccord avec cela, il rend légitime en réalité ces discours « systémiques » qui voient une offense partout et dans chaque situation, sans même se demander si les personnes qui en sont supposément à l’origine en ont l’intention. Ces termes, dont l’usage est déconseillé dans le document, sont gravés dans le marbre de la civilisation européenne depuis des siècles. Ce sont nos traditions européennes qui sont remises en cause par une Commission sensément gardienne des traités, lesquels mentionnent à l’article 3 du Traité de l’Union européenne que cette dernière « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. »
Unis dans la diversité, on avait dit…
Le guide est rédigé en anglais exclusivement. 70% des textes produits ne feraient jamais l’objet d’une traduction dans les institutions de l’UE. « Unis dans la diversité », devise européenne quand tu nous tiens…
« Refléter la diversité » au sein de l’Union européenne impliquerait, au contraire, de proposer des traductions d’abord, et de ne pas déconseiller l’usage de termes du simple fait qu’ils ont une connotation chrétienne ensuite, car le christianisme fait précisément partie de cette « diversité culturelle » du Vieux Continent, si ce n’est davantage. Réciproquement, les autres confessions présentes sur le territoire européen doivent être respectées, même si elles sont minoritaires.
Alors qu’au début de son mandat, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen annonçait la création d’un portefeuille pour « la protection du mode de vie européen », également en charge des migrations – vite remplacé par le terme « promotion » face aux critiques [1], la démarche est aujourd’hui reniée par une des commissaires. Le « en même temps » n’est donc pas une spécificité du président Macron, il est aussi le mode opératoire de la Commission.
A lire aussi: À Calais, chronique d’une tragédie annoncée
Plutôt que de remplacer (entre autres exemples nombreux et infâmes) « la période de Noël peut être stressante » par « la période des vacances peut être stressante », il semble préférable – et bien moins stressant – que nous respections les us et coutumes du patrimoine européen – c’est-à-dire les nôtres -, nonobstant le statut, l’orientation sexuelle, la religion ou d’autres considérations qui regardent chacun.
[1] L’appellation initiale « protection de notre mode de vie européen », qui a suscité la polémique, a finalement été rebaptisée « promotion du mode de vie européen ». Margaritis Schinas, qui a hérité de cette vice-présidence très large, doit s’occuper à la fois de la culture, de l’éducation, du sport, de l’intégration des migrations et de la sécurité. Source Le Monde.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !