Avec son one-man-show Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures, Hector Obalk remplit les théâtres. Il nous fait partager ses partis pris esthétiques avec plaisir et émotion, loin du didactisme compassé des historiens de l’art.
C’est bien connu, les émissions de télé consacrées à l’art sont en général des bides annoncés. On les prévoit courtes ou programmées tard. De toute façon, elles disparaissent vite. Dans beaucoup de magazines, l’actualité artistique est réduite à peau de chagrin entre les rubriques gastronomie, tourisme, maison et les publicités de montres, de whiskies et de fringues de luxe. Dans les librairies, les rayons beaux-arts fondent eux aussi à vue d’œil, submergés par les BD, les livres de cuisine, de mode et de cinéma.
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Dans ce contexte, Hector Obalk réussit pourtant un prodige qui doit faire réfléchir : il remplit des théâtres avec des shows consacrés à l’histoire de la peinture. Récemment, il fait salle comble avec le Caravage pour lequel il fait revenir son public pas moins de trois soirées pour couvrir toute la carrière du maître. La salle est maintenue en haleine, tableau par tableau, détail par détail. Maintenant, il propose des traversées de l’histoire de la peinture en deux heures, à chaque fois différentes, pleines de surprises et de découvertes.
Pourquoi réussit-il là où tout le monde échoue ?
Il y a d’abord, bien sûr, une personnalité sincère et truculente, appréciée de beaucoup. Mais cela ne suffirait pas. Ce qui est à l’œuvre, c’est manifestement un rapport différent avec la peinture, un rapport plus adéquat. Généralement, les gens qui professent en matière artistique ne peuvent pas s’empêcher de vouloir « faire comprendre ». C’est leur posture. Ils pourraient nous faire apprécier les œuvres, nous faire partager leur goût. Non, ils préfèrent tenter de nous rendre plus intelligents. Partout s’étalent des titres comme « comprendre l’art moderne », « trois minutes pour comprendre… », « comprendre l’art contemporain en famille », « les clés pour comprendre… », etc. Ce qu’il faut savoir serait un corpus bien établi. Il nous est prescrit, à nous autres, pauvres blaireaux, de l’avaler et de le digérer. Amen ! Rien que d’y penser, on s’ennuie déjà. La vulgarisation de l’art est congénitalement unilatérale. En réalité, le plus souvent, nos fastidieux mentors répètent et imposent les banalités mêmes qu’ils ont apprises.
Avec Hector Obalk, il en est tout autrement. Comme aurait dit Céline, il met sa peau sur la table. Il nous explique ce qu’il ressent. Il connaît bien la peinture, il l’aime et il a à cœur de faire partager son plaisir et ses émotions. Il parle de ce que l’art apporte à sa vie, multipliant autodérision et sketches touchants. En risquant en permanence son opinion, il nous laisse la liberté d’avoir la nôtre, et c’est immense. Il nous montre les meilleurs coins selon lui dans une peinture ou dans une époque, comme le pêcheur à la ligne nous montrerait un remous derrière un rocher ou un profond devant une souche. Son voyage à travers les siècles de peinture a la saveur de l’exploration véritable et de la liberté.
À ne pas rater : Hector Obalk, « Toute l’histoire de la peinture », théâtre de l’Atelier, Paris.