Emmanuel Macron l’a bien compris. Les droits des femmes sont menacés par un backlash dans tout l’Occident. Reste pour lui à déterminer qui tient le bâton, exactement.
L’inscription de « la liberté garantie » d’avorter dans la Constitution française a remis dans l’actualité deux rapports datant de 2023, l’un livré par la Fondation Jean-Jaurès associée à l’ONG Équipop, l’autre concocté par le Haut-Commissariat à l’Égalité Homme-Femme. Deux travaux, mais une préoccupation commune, tout entière exprimée d’ailleurs dans l’intitulé du texte de La Fondation et de l’ONG : « Droits des femmes : combattre le backlash »[1].
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La menace masculiniste
Notons au passage que ce pauvre Jean Jaurès aurait probablement préféré l’expression bien française « retour de bâton » plutôt que ce backlash d’importation. Cela dit, le recours à cet anglicisme des Amériques présente l’intérêt de bien situer la démarche dans sa filiation historique. En effet, en 1991 paraissait aux Etats-Unis l’essai féministe militant de Susan Faludi : Backlash : la guerre froide contre les femmes. (Against American Women, précisait l’édition d’origine). La thèse centrale est que, en réponse – ou plus exactement en représailles – à chaque progrès en matière de droits de la femme, la domination masculine s’empresserait de veiller à ce que ces avancées, ces droits nouveaux soient contestés et si possible réduits à néant. Voilà ce qu’est le backlash, le retour de bâton. L’illustration récente de cette entreprise masculiniste, machiste, obscurantiste et, vous l’aurez deviné, fascisante, de rétorsion retenue par les rapports mentionnés est bien évidemment l’abolition du droit à l’avortement dans certains États américains. L’ouvrage de Susan Faludi que nous venons de mentionner désigne très clairement les coupables de ces crimes de régression sociétale: « les mouvements conservateurs ou réactionnaires », tous, comme on sait bien, obsessionnellement hostiles à tout progrès dans ce domaine.
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L’ouvrage date de 1991, nous le disions. En un peu plus de trente ans, les données du problème ne sont certainement pas tout à fait les mêmes, parfaitement superposables et interchangeables. Il s’en faut de beaucoup. Or, la Fondation Jean-Jaurès, Équipop et le Haut-Commissariat à l’Égalité Homme Femme s’en tiennent très fidèlement à ce schéma, à cette approche idéologique. Si coupable il y a, c’est du côté des conservateurs et des réacs qu’il faut aller le traquer. « Le sexisme est très prégnant, s’aggravant même d’une année sur l’autre dans certaines catégories de la population, écrivent la Fondation et l’ONG dans leur rapport en 2023. Chez les jeunes adultes masculins, mais aussi chez les femmes, on observe un retour-aux-valeurs-traditionnelles.« Partout dans le monde, la diplomatie féministe reste impuissante et s’efface sous les poussées de l’extrême droite », renchérit le HCE. Et on lit encore, ceci : « Une partie des hommes se sent fragilisée, parfois en danger, réagit dans l’agressivité et peut trouver une voix d’expression politique dans de nouveaux mouvements virilistes et très masculins comme Reconquête. »
Bien sûr le rapport HCE élargit quelque peu la focale et mentionne le rôle négatif de structures internationales : l’Organisation de coopération islamique qui rassemble cinquante-sept États d’Afrique du Nord et du Moyen Orient, le Congrès Mondial des Familles, l’ONG Family Watch, et, pour faire bonne mesure, le Vatican.
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Oui, le Vatican est mis à l’honneur. Mais pas les Frères Musulmans ou tant d’autres organes et organismes d’islamisation infiltrés chez nous. Silence. Très étonnant silence. Inquiétante complaisance.
Démission devant le réel
De même – et c’est bien ce qu’il y a de plus grave dans l’affaire ! – à aucun moment l’évolution sociologique du pays ces dernières décennies n’est prise en compte. Or, il est bien clair que plus on verra accourir de populations nourries d’idéologies religieuses ou autres selon lesquelles la femme est par essence, par nature, inférieure à l’homme, qu’elle doit lui être soumise, demeurer l’otage permanent de ses lois, la dégradation des droits et du statut que ces rapports prétendent dénoncer ne fera que croître et embellir. Ne pas en dire un seul mot ne traduit pas seulement une terrifiante lacune intellectuelle, une violation sidérante de l’esprit de méthode, mais surtout cela constitue à n’en pas douter une forme – qu’on voudra bien feindre de croire inconsciente – de démission devant le réel. En matière de droits humains, de droits des femmes, comme d’ailleurs en mille autres choses, le déni – car il s’agit bien de cela – est toujours – oui, toujours ! – le plus sûr chemin qui conduit à l’échec, à la défaite, à la déroute. Un Jean Jaurès, sortant de sa tombe, revenant ici et prenant la parole ne manquerait assurément pas de clamer que s’il est un retour de bâton à redouter, celui que provoque précisément le déni, l’enfumage est, de tous, le plus violent, le plus dévastateur, le plus délétère qui se puisse imaginer.
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[1] https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2023/02/Rapport_Backlash.pdf
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