Notre chroniqueur, qui a gardé une âme d’enfant, est donc allé voir l’ultime volet des aventures de l’archéologue le plus connu du dernier demi-siècle. Apparemment, il n’a pas été déçu.
N’écoutez pas les grincheux : Indiana Jones et le Cadran de la destinée (réalisé par James Mangold, musique de John Williams, en salles depuis le 28 juin) est un excellent film, qui vous permet de surcroît de vous rafraîchir dans une salle climatisée pendant deux heures et demie. Par ces temps de canicule, c’est appréciable.
81 ans, toutes ses dents et débarrassé de l’insupportable Shia LaBeouf
D’autant plus que vous ne voyez pas passer ces 154 minutes. Contrairement à ce que l’on peut attendre raisonnablement d’un homme qui, ce jeudi, fêtera ses 81 ans, le film pétarade dans tous les sens, avec son lot de poursuites, rebondissements, moyens de transports variés, méchants majuscules, héroïne à la redresse (Phoebe Waller-Bridge n’a pas le physique éthéré d’une bimbo hollywoodienne — d’ailleurs elle est Anglaise — et elle a un cerveau) et intrigue immortelle, puisqu’après avoir exploré et conquis les espaces dévolus à son activité d’aventurier, Indiana Jones cette fois est chargé de passer par la fameuse faille du continuum spatio-temporel dans laquelle nous nous glissons chaque nuit pour conquérir le Temps.
L’intrigue tient en deux mots : un nazi réchappé de l’apocalypse hitlérienne en 1945 — Mads Mikkelsen toujours exemplaire — cherche à retrouver les deux moitiés de la machine d’Anticythère, retrouvée par des plongeurs en 1901 au large de l’île grecque de ce nom, machine que les scénaristes, qui ont des lettres, attribuent à Archimède. Pour l’archi-méchant, il s’agit de profiter des pouvoirs de la machine pour se faufiler dans l’un de ces trous de vers familiers aux astrophysiciens et aux auteurs de science-fiction pour retourner en 1939 éliminer cet incapable d’Hitler et fonder un vrai IIIème Reich triomphant. Pour Indie, il faut insérer cette machine dans les collections d’un musée ad hoc. Et pour sa filleule Helena Shaw, il faut mettre la main sur un trésor susceptible d’être vendu pour une somme inestimable dans des enchères douteuses.
Archimède parle anglais
Comment la machine enfin reconstituée — au prix de mille péripéties haletantes, surtout quand vous savez que le principal protagoniste est un octogénaire bougon et criblé de rhumatismes — permettra finalement de rencontrer Archimède à Syracuse en 212 av. J.C., tel est l’enjeu de cette aventure pleine de bruit et de fureur. Je ne vous en dirai pas plus, sinon qu’il n’est pas inutile de savoir parler le grec ancien pour dialoguer avec le plus grand savant de l’Antiquité. Une vraie promo pour relancer les études classiques, aujourd’hui bien négligées, puisque les géniteurs d’apprenants préfèrent que leurs bambins se spécialisent dans la vente du chichon et le maniement expert de Tik-Tok.
Qu’ajouter, sinon que le film ruisselle d’humour ? Pour preuve, cette pique qu’Indiana lance au bon aryen de service : « Vous êtes allemand, n’essayez pas de faire de l’humour. » Comment nos voisins d’outre-Rhin prennent-ils ce genre de vannes ? Cerise sur le gâteau, les scénaristes et producteurs ont tiré la conclusion qui s’imposait des grimaces insupportables de Shia LaBeouf, qui jouait le fils d’Indiana Jones dans l’opus précédent : ils l’ont fait mourir avant le début de ce volet, pour s’économiser la présence de cet acteur surfait et surcoté, et qui se prend pour la huitième merveille de Hollywood. Mais on y retrouve John Rhys-Davies, qui jouait dans Indiana Jones et la dernière croisade, en 1989 : le passé ne veut pas mourir, le passé ne meurt pas, c’est la magie du cinéma.
Le film, une production Disney (mais qui s’en douterait ? On y tue des enfants !) depuis que la souris a racheté les productions Lucas Films, ne marche pas très bien outre-Atlantique. C’est presque devenu un gage de qualité, vu les abîmes dans lesquels sombrent parfois le cinéma et le public américains. N’hésitez pas à vous divertir en assistant, ravis, au de-aging de Harrison Ford dans les quinze premières minutes — une technique qui nous rappelle, une fois pour toutes, que non seulement les héros ne meurent pas, mais qu’au fond, ils n’ont pas d’autre âge que le nôtre — quel qu’il soit.
Un dernier point. Les héros ne doivent-ils pas mourir pour accéder à l’immortalité ? Les scénaristes auraient envisagé de faire disparaître Indie. Mais ils ont joué plus fin. Au tout début, le vieil Indiana Jones doit signer les papiers de son divorce — il est marié avec Marion (Karen Allen) rencontrée dans le tout premier volet de la saga. Comme il arrive souvent, la mort de leur enfant unique a séparé les Jones. Mais à la fin, ils se retrouvent : ils vieilliront bien ensemble. Happy end ? Pas même. Tout le monde sait bien que pour un héros, le couple est un acte de décès.