Si les mots d’Emmanuel Macron envers les Harkis sont bienvenus, il est difficile de ne pas y voir aussi une stratégie électoraliste. La propension des bons apôtres macroniens à juger de haut leurs futurs adversaires et les thèmes mis en avant par Eric Zemmour est insupportable.
L’arrogance est un défaut détestable mais l’arrogance du pouvoir l’est encore bien davantage. Comme une sorte de pléonasme pervers. Je ne discute même plus des choix politiques, de l’adhésion à tel ou tel parti ou du soutien à apporter à une personnalité plutôt qu’à une autre. Mais de la manière dont ce pouvoir considère tous ceux qui ne pensent pas comme lui et n’appartiendraient pas à ce cercle de la rationalité qui n’éclairerait que le président de la République et LREM. Pour qui nous prennent-ils ?
Faut-il vraiment admirer cette démarche présidentielle fluctuante et racoleuse qui passe de la colonisation crime contre l’humanité au pardon demandé aux Harkis ? En passant par notre ministre de l’Intérieur, petit-fils de Harki, contraint à Alger de rendre hommage aux combattants du FLN et la complaisance présidentielle à l’égard de la famille de Maurice Audin. Ces sinuosités erratiques et contradictoires ne visent qu’à racoler de l’électorat pour 2022 ! 800 000 voix de Harkis seront toujours bonnes à prendre !
Le président Macron se surpasse
Je ne conteste pas qu’en fin de mandat aucun président ne s’est tenu éloigné de la démagogie mais Emmanuel Macron, sans doute persuadé d’être réélu mais continuant par précaution à mettre la main à la pâte, dépasse très largement ce que la tradition démocratique juge acceptable. Avec un cynisme qui n’éprouve même plus le besoin de se voiler, à droite, à gauche, au centre, il flatte, joue de l’émotion, récompense, accumule et multiplie. Plus de six milliards d’aides. Les vannes lâchées à tous points de vue.
Il n’y a plus l’ombre d’une cohérence dans cette machine qui tourne à plein régime et fait feu de tout bois, l’essentiel étant de cueillir et de récolter. Dans la soie et le velours, c’est une honte républicaine. Mais pour qui nous prennent-ils !
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Non seulement le président est en campagne depuis plusieurs mois – c’est sans doute ce qu’on appelle faire son devoir jusqu’à la fin de son mandat ! – mais son entourage, par exemple Christophe Castaner, ancien ministre et chef de file des députés LREM, ou Stanislas Guerini, délégué général de LREM, se permettent de moquer les opposants au président.
Mais bien sûr…
D’abord, ces bons apôtres macroniens sont-ils fondés à juger de haut leurs adversaires ? Ont-ils été si brillants, si remarquables dans leurs fonctions, pour qu’on puisse attacher une quelconque crédibilité à leur dénonciation ? Pour pourfendre Eric Zemmour qui probablement sera candidat, tout doit servir jusqu’à l’absurde. On a bien compris que le président était le seul à user d’une « dialectique rationnelle » alors que « le discours de Zemmour est brutal et basé sur l’émotionnel ». Le débat sera « tiré vers le bas » : comment ne pas croire à l’air de supériorité affiché par les inconditionnels du président qui ont démontré sur les plateaux de télévision à quel point ils avaient un programme très riche à faire valoir : dire du bien d’Emmanuel Macron. C’est ce qu’il convient à l’évidence de reconnaître pour des argumentations tirées vers le haut ! Ils nous prennent pour qui !
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Le citoyen est-il si niais pour ne pas comprendre qu’il est intolérable pour ce pouvoir de voir advenir au premier plan de la campagne présidentielle les thèmes qui lui importent ? Comme la faiblesse régalienne de ce président et de son équipe est patente, comme l’immigration et le communautarisme sont des enjeux capitaux face auxquels les réponses sont médiocres, comme la société est fracturée, il ne faudra surtout pas parler de ces maux et de ces désastres. Mais seulement de l’économique et du social qui à tort ou à raison sont perçus comme le moins mauvais du bilan présidentiel.
Loin d’être « tiré vers le bas », le débat, avec tous ceux qui sont attentifs au délitement de la France et à sa dislocation en univers autarciques et malfaisants où la République ne fait plus la loi, de Valérie Pécresse à Xavier Bertrand, de Marine Le Pen à Eric Zemmour, sera au contraire authentique et de qualité. Tiré vers le vrai. Je rejoins Jean-Claude Dassier qui dans l’Heure des Pros 2 du 20 septembre a déclaré qu’avec Zemmour la confrontation aurait « de la gueule ». Il n’est pas nécessaire d’approuver ce dernier pour juger sommaire, infiniment réducteur et insultant le jugement à son encontre le résumant à « une logorrhée nationaliste et islamophobe ». Ce n’est pas seulement le mépriser mais ne rien comprendre à ce qu’il est et à son influence. Et donc ne pas chercher à la réduire ! Mais pour qui nous prennent-ils donc !
Ce que demande le peuple
Seront mises sur la table démocratique, par Zemmour et d’autres, des problématiques et des angoisses qui n’auront que le seul tort de n’être pas celles des élites mais celles du peuple. Et il faudrait d’urgence la desservir pour ne pas ruiner l’image d’un président soucieux de la seule France qui va bien et pour laquelle il a tant fait !
Dans cette complexité et cette effervescence, ces surprises et ces attentes, il est sans doute difficile pour beaucoup de prendre déjà un parti mais à voir la manière dont l’arrogance de ce pouvoir se convainc lui-même qu’il est irréprochable et performant, dont il se pousse du col, peut-être sait-on déjà qui n’aura pas notre voix ? Mais pour qui nous prend-il donc !
Le regard d’Elisabeth Lévy: « Macron sur les Harkis ? Difficile d’évacuer le soupçon d’électoralisme »
Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy tous les matins à 8h10 dans la matinale de Sud Radio.
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