Si la « parole libérée » semble obligatoire sur certains thèmes en vogue, l’omerta reste de mise sur les sujets qui fâchent la doxa, comme l’insécurité ou l’islamisation. Et malheur à ceux qui veulent rester lucides.
L’omerta s’étend aujourd’hui bien au-delà des turpitudes sexuelles d’un producteur de cinéma. Le harcèlement d’ailleurs, toujours en soi odieux, n’a pas tout à fait la même portée psychologique et sociale selon qu’il vise une employée chargée de famille qui a peur de se faire licencier si elle rabroue son chef, la femme traînée dans la boue si elle n’est pas voilée, ou s’il est assorti d’un droit d’entrée dans un milieu aussi convoité que celui du show-biz. Sur d’autres terrains, par contre, la loi du silence semble de mise et ceux qui tenteraient de l’enfreindre sommés de ne plus voir ce qu’ils disent avoir vu : la saleté qui défigure Paris, ville-poubelle promue cité olympique ; l’incivilité devenue ordinaire et la vulgarité des tenues ; les trafics en tous genres sous les yeux des passants apeurés ou indifférents ; l’islamisation rampante de la France ; et l’arrogance conquérante de certaines minorités soi-disant brimées, etc. À chacun(e) sa liste noire certes, mais se peut-il que tant de regards, dont les observations souvent convergent, se soient laissés abuser par les craintes infondées que leurs préjugés auraient suscitées ?
C’est au fond le vieil idéal de lucidité inconditionnelle hérité des Anciens – vivre et mourir les yeux grands ouverts – qui est désormais suspecté d’alimenter « les peurs », figure rhétorique devenue aussi incontournable au regard du mainstream que celle des « fiertés ». Il n’est en effet pas rare de lire ou d’entendre que l’incitation à la haine (raciale, sociale, sexuelle) s’abrite et prospère derrière la lucidité affichée des quelques irréductibles, des quelques arriérés considérant qu’on n’est réellement bienveillant qu’en étant aussi clairvoyant, et de surcroît capable d’énoncer avec exactitude ce que
